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Le Printemps du violon à Paris, 2e édition - Une fête - Compte-rendu

« Reste simple dans ton jeu », a conseillé au jeune et brillant violoniste japonais Rennosuke Fukuda(photo) l’inoxydable Ivry Gitlis (photo), 94 ans, qui est en quelque sorte le bon génie de cette manifestation : en lui remettant le prix qui porte son nom et qui constituait l’un des temps forts d’une soirée joyeuse et fort longue tant il y avait à dire, sentir et faire entendre. C’est la deuxième fois que ce nouveau festival fleurit, et il sent bon : tout ce le violon peut apporter de joie, de fraîcheur et de grâce, deux compères, brillants musiciens, Anton Martynov et Michael Gutman le brassent avec un professionnalisme sans prétention, qui garde un caractère ouvert et bon vivant à la jeune manifestation.

Saténik Khourdouïan © DR

Celle-ci, qui montre donc le violon sous toutes ses facettes à coup de concerts d’académie, de jeunes solistes, d’autres plus avancés, voire de vedettes,  et d’ateliers de lutherie, outre conférences, débats et enseignements, offre donc un violon pluriel qui se développe en quelques séances dans quelques uns des plus beaux lieux d’accueil du 7ème arrondissement, ce qui permet  de pousser des portes et de les découvrir.
Cette année, avec la Suisse, si riche en festivals et académies diverses, le Festival a fait redécouvrir quelques uns de ses musiciens les plus importants, et néanmoins méconnus en France. Il a aussi montré un film d’hommage à Gitlis, et déroulé une vaste confrontation de talents lors d’un concert intitulé Le Roi violon. Ambiance familiale, dont on se dit qu’il sera difficile de la faire perdurer lorsque le festival s’élargira et s’implantera davantage dans le profil parisien, congratulations diverses, parfois un peu maladroites, mais venues du cœur et non seulement harangues officielles, enfin programme brillant et atypique, conçu intentionnellement pour garder un ton festif : avec forcément, du meilleur et du moins bon.
 
De ce panorama de coups d’archet, on retiendra l’amusante découverte de Roman Kim, virtuose farfelu à la sonorité soyeuse quand elle ne tourne pas à la provocation dans ses Variations sur le thème du Brindisi de la Traviata, l’élégante assurance de Rennosuke Fukuda, 18 ans, impérial dans la Carmen Fantaisie de Waxman, cheval de bataille des violonistes, et le plaisir un peu trop rare de retrouver la sonorité charnue et ambrée de Laurent Korcia, qui avait choisi de surprenants petits Duos pour deux violons de Bartók, égrenés comme des piécettes lancées à la surprise du public. Et c’est avec lui, dans cet exercice inusité, que s’est révélée la pépite du concert, la superbe violoniste franco-arménienne Satenik Khourdoïan (1), à la carrière déjà bien en marche mais insuffisamment en France, pays où l’on ne manque pas de violoncellistes, mais ou les violonistes sont à ce jour presque aussi rares que les ténors. Elle est d’exception et le caractère délicat, subtil, suprêmement élégant de son Recitative und Scherzo de Kreisler a suspendu le temps. Il appartient à de telles manifestations de mettre ainsi en vedette des talents si remarquables.
 
Jacqueline Thuilleux

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(1) Saténik Khourdoïan faisait partie des Révélations Adami 2009 : www.concertclassic.com/article/compte-rendu-les-revelations-de-ladami-prades-une-exceptionnelle-brochette-de-talents
 
Paris, Maison de la Chimie, le 26 mars 2017. Derniers concerts : le 28 mars (Maison de l’Amérique latine) et le 31 mars, Palais de Béhague, salle byzantine. www.leprintempsduviolon.com
 
 
Photo : Ivrry Gitelis remettant son prix à Rennosuke Fukuda © DR

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