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Le London Symphony Orchestra à Pleyel - Gardiner ressuscite le néo-classicisme - Compte-rendu

Le chef gentleman farmer Sir John Eliot Gardiner est décidément un musicien surprenant : pour fêter ses 70 printemps, ce chercheur de bibliothèque impénitent, interprète de Bach, de Beethoven et de Berlioz au nom de l’authenticité a, en effet, choisi Stravinsky ! Il est vrai que le « prince Igor » fut l’élève chéri de Nadia Boulanger dont Gardiner fut lui-même le principal disciple britannique… C’est ainsi que la salle Pleyel afficha avec le London Symphony Orchestra et une bonne vingtaine de chanteurs hommes du célèbre Monteverdi Choir, fondé il y aura juste un demi siècle l’an prochain par le maestro anglais, l’opéra oratorio Oedipus Rex.

Pour compléter cette heure de musique tragique, Gardiner avait choisi le suave Apollon Musagète : contraste assuré avec un orchestre à cordes privé du souffle des vents. Fallait-il pour autant confondre Stravinsky et Delius ? Vétille, c’est pour Sophocle qu’on était venu. Drôle de Sophocle, soit dit en passant, adapté par Cocteau dans une version latine signée du père Daniélou : heureusement que les mythes ont la vie dure ! D’emblée, Gardiner fit donner sa garde, chœur côté cour et grand orchestre totalement à sa main, cavalerie de cuivres rutilants, batterie de percussions, sans compter Fanny Ardant rajoutant un gros zeste de Comédie Française à l’ancienne… que les surtitres rendaient totalement superflu.

Quand on se souvient de la prestation de ce chœur rompu d’abord au répertoire baroque dans les sublimes Troyens de Berlioz au Châtelet en 2003, on reste confondu d’admiration par la puissance dégagée par deux douzaines d’entre eux dans ce monument néoclassique ouvert à tous les vents de l’orchestre et de la campagne de Thèbes. Les solistes tiennent aussi le choc dans une acoustique qui ne pardonne rien, à commencer par la wagnérienne mezzo britannique Jennifer Johnston en Jocaste, le ténor héroïque et décomplexé Stuart Skelton en Œdipe et le baryton-basse Gidon Saks en Créon. Et comme Sir John, on finit par se laisser prendre par ce gros pudding sonore.

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, 23 avril 2013

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Photo : DR
 

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