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Le Cosmicomiche de Michèle Reverdy à Toulon – Énergie comique – Compte-rendu

Quelques cliquetis de percussion et la musique est lancée. Très vite, la volubilité de l’écriture de Michèle Reverdy (1) répond à celle des textes d’Italo Calvino, deux extraits des Cosmicomics qu’elle a mis en musique. Pour la première partie (Un segno nello spazio) de ce diptyque, qui vient d’être créé sur la scène du Liberté (scène nationale de Toulon) dans une coproduction avec le festival Présences féminines et l’Opéra de Toulon, la compositrice s’appuie sur une première version, en français, créée en 1990 par La Péniche Opéra. À l’époque, Michèle Reverdy confiait à un musicien, le contrebassiste Frédéric Stochl, une partie du texte, qui se tient à mi-chemin du récit personnel et de la conférence (à peu près) scientifique.

Servi aujourd’hui par le baryton Francesco Biamonte, le texte de Calvino a retrouvé sa langue originale mais surtout gagné une certaine ambiguïté entre parlé et chanté, pimentée par les interventions des deux autres solistes, la soprano Mélanie Boisvert et la mezzo-soprano Albane Carrère. Très rythmée, la musique accompagne en un tourbillon irrépressible les trois personnages à la recherche d’un « signe » laissé dans l’espace par le héros quelques centaines de millions d’années auparavant.
La deuxième partie (Tutto in un punto), avec les trois mêmes solistes et le même ensemble de sept musiciens (flûte, clarinette, cor, harpe, alto, violoncelle et percussions), évoque le temps où le monde (et ses habitants) était contenu en un seul point.

© DR

Cette fois, la musique est toute nouvelle, composée en 2014, et cela s’entend dès l’interlude qui relie les deux épisodes. Appuyée par les sonorités des steel-drums, l’écriture de Michèle Reverdy va peu à peu quitter son caractère de fantaisie mécanique pour laisser s’épanouir les timbres. Là encore, la lecture du texte de Calvino est particulièrement fine et malicieuse. Pour évoquer l’expansion de l’univers – rendue nécessaire sitôt qu’il est question de préparer des tagliatelles – la compositrice recourt à une vaste forme rondo où des phrases apparemment simples creusent progressivement l’espace par le jeu de couleurs changeantes.
 
Dans le texte comme dans la musique, tout est affaire d’illusion.Victoria Duhamel a pris elle aussi le soin de ne rien imposer dans sa « mise en espace » (le terme est ici tout à fait approprié). Tout y est léger, suggéré plutôt que montré, comme en une chorégraphie en apesanteur. Les personnages redessinent à la dimension du théâtre les mouvements du cosmos, tout en convoquant de-ci de-là quelques références à la culture populaire, de la comedia dell’arte à la science-fiction vintage façon Moebius.
 
Francesco Biamonte est excellent dans ce registre bouffe, virtuose du burlesque dans ses intonations comme dans ses regards vers la salle. Ses partenaires, Mélanie Boisvert et Albane Carrère, ne sont pas en reste et tous trois brillent dans les trios. Enfin, il faut souligner l’excellent travail réalisé avec les musiciens de l’Opéra de Toulon réunis sous la direction de Léo Warinski : ils portent la musique de Michèle Reverdy avec une énergie remarquable.
 
Jean-Guillaume Lebrun

(1) www.concertclassic.com/article/rencontre-avec-michele-reverdy-ecriture-libre
 
M. Reverdy : Le Cosmicomiche (création). Toulon, Le Liberté, 12 mars 2019.
 
Photo © DR

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