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​Roberto González-Monjas dirige l’Orchestre de Chambre de Paris à Hôtel de Sully – Le style vivant – Compte rendu

 
 
Que l’Orchestre de Chambre de Paris ait trouvé le directeur musical idoine en la personne de Thomas Hengelbrock, la chose ne fait pas l’ombre d’un doute, mais il manifeste de surcroît l’art de choisir des chefs invités s’inscrivant dans la dynamique et les options esthétiques apportées par le maestro allemand. A l’instar d’un Takács-Nagy ou d’un Madaras, Roberto González-Monjas est de ceux qui nouent une relation immédiate avec la phalange parisienne. Voilà trois ans que l’OCP fait appel à lui pour des concerts en plein air dans la cour de l’Hôtel de Sully. Température idéale, léger souffle d’air : les conditions sont proprement idéales ce 11 juillet – le public a répondu nombreux – pour profiter dans les meilleures conditions d’un programme Gluck-Mozart. Autant dire que le chef espagnol – en fonction à la tête de l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg depuis la rentrée passée – est en terre d’élection.
 
 

© David Blondin

Engagement, complicité, force narrative
 
Hasard des programmations, Paris aura entendu deux fois cette saison le ballet-pantomime Don Juan de Gluck. D’abord sous la direction de Jordi Savall, à Favart en mai, avec les forces chorégraphiques du Capitole (1), puis avec l’OCP donc. Le concert de l’Hôtel de Sully se limite à un digest en seize numéros de la partition, extrêmement bien composé, qui restitue la progression dramatique de l’ouvrage, d’autant mieux perceptible pour le public que le chef donne lecture de l'argument. Amoureux de la littérature musicale classique, Roberto González-Monjas en maîtrise parfaitement la grammaire, mais il fait partie de ces artistes pour qui la tradition, les codes, le style ne valent que revivifiés par l’acte interprétatif – par la sensibilité du présent.
Son approche de Gluck, avec le concours d’instrumentistes (en position debout chaque fois que c’est possible) formidablement engagés et complices est un pur régal – il n’est que de regarder le visage souriant de Deborah Nemtanu, violon solo, pour comprendre que le courant passe. On comprend que Don Juan (1761) soit considéré comme le premier vrai ballet de l’histoire de la danse en découvrant une interprétation aussi vivante que narrative. Quel nerf, quel modelé de la phrase – la leçon des interprétations à l’ancienne a été méditée ... –, quelle élégance dans la vitalité ! Le chef vise dans le mille, non par l’effet, l’accentuation du trait, la « romantisation », mais par sa capacité à sentir et à faire entendre tout ce que la musique pressent de l’évolution de la sensibilité – par la tension du regard vers le futur.

Con moto 
 
Dans Don Juan comme par la suite, González-Monjas peut autant compter sur l’enthousiasme collectif que les qualités individuelles de tel ou telle quand elles sont plus particulièrement requises (mentions spéciales pour le hautbois d’Ilyes Boufadden-Adloff dans la sérénade de Don Juan, et aux cors (naturels !) de Yun Chin Gastebois et Gilles Bertoccchi, admirables). Après Gluck, Mozart n’est pas en reste avec une Symphonie KV 543 tout aussi convaincante, idéalement équilibrée entre énergie et poésie. La clef de la réussite de Roberto González-Monjas tient pour beaucoup à l’approche du deuxième mouvement. Andante ? non ! Andante con moto, ce qui veut dire, en termes familiers, marcher d’un bon pas. C’est bien qu’il nous offre. Et, là comme dans les trois autres épisodes, l’urgence qui anime la musique, l’évidence du tempérament dramatique mozartien forcent l’admiration.
 
Alain Cochard

(1) www.concertclassic.com/article/semiramis-et-don-juan-de-gluck-par-le-ballet-du-capitole-et-le-concert-des-nations-lopera
  
Paris, Cour de l’Hôtel de Sully, 11 juillet 2025

© Concertclassic

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