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​La verbena de la Paloma au Teatro de la Zarzuela de Madrid – Retour triomphal d’un grand classique – Compte-rendu

 
« Un chef-d’œuvre », ainsi Saint-Saëns qualifie-t-il La verbena de la Paloma dans une lettre à son compositeur, Tomás Bretón (1850-1923). De fait, cette zarzuela emblématique, datée de 1894, est vite devenue un archétype de ce genre lyrique espagnol et madrilène. Le livret plante déjà le décor, pour cette verbena ou fête nocturne, dans le quartier populaire madrilène de la Paloma (du nom de l’église de la Vierge de la Paloma). On retrouve donc les personnages pittoresques et gouailleurs, chulapo et chulapa (équivalents des titis parisiens) et leurs frasques. Le titre complet résume la situation : La verbena de la Paloma o El boticario y las chulapas y celos mal reprimidos (à la manière des titres à rallonge de l’époque baroque). Où sont exposés les intervenants et le sujet : « l’apothicaire et les coquettes (de chulapas, désignant la gent féminine crâne du Madrid populaire) et les jalousies mal refoulées ».
 

© Elena del Real

 Un climat et des sentiments, donc, à travers, tout de même, une vingtaine de personnages dont dix-huit chanteurs et une foule d’êtres collectifs. Une distribution vocale pléthorique, à laquelle s’ajoute un chœur omniprésent. Et ce, pour un ouvrage, dialogues parlés et musique, ne dépassant pas l’heure de représentation ! La partition jouit d’une musique effervescente, dès un prélude orchestral irrésistible, vite enchaîné de pages qui le sont tout autant. Saint-Saëns avait vu juste !
 

© Elena del Real 
 
L’œuvre est devenue un grand classique du genre, reprise par tous les théâtres espagnols et d’Amérique hispanique. Au Teatro de la Zarzuela, où la pièce fut souvent donnée, il s’agit cette fois d’une toute nouvelle production. Elle est confiée à Nuria Castejón, spécialiste en la matière et qui avait déjà signé nombre de zarzuelas. Sa conception constitue une excellente surprise, dans la mesure où aux rebours de certaines habitudes actuelles il s’agit d’une transcription fidèle sans transposition d’aucune sorte ! Le décor (de Nicolás Boni) plante donc une place de Madrid façon XIXsiècle, où s’ébattent des personnages en costumes madrilènes d’époque (de Gabriela Salaverri) avec des gestiques en concordance. Une lecture franche et directe !
 

© Elena del Real
 
Pour l’occasion, cette zarzuela chica (zarzuela « petite » d’une heure de représentation) est complétée d’un prologue d’une vingtaine de minutes, intitulé Adiós Apolo (du nom du théâtre Apolo où fut créée La verbena), conçu avec d’amusants dialogues par Álvaro Tato où défilent des extraits d’autres zarzuelas emblématiques (de Jacinto Guerrero, Federico Chueca, José Serrano et Bretón lui-même). Bonne introduction. La verbena de la Paloma suit, elle selon un retour musicologique à sa partition manuscrite autographe originale. Et les interprètes de s’y couler délicieusement ! Au-dessus de tous les petits rôles vocaux bien menés, relevons les rôles essentiels : le couple sentimental Susana (par l’agile soprano Carmen Romeu) et Julián (clair ténor, barytonant comme il est de règle dans la zarzuela, de Borja Quiza), l’apothicaire Hilarión (baryton comique dû à Antonio Comas) et son comparse Sebastián (ténor comique tout aussi en phase de Gerardo López), les deux dames mûres en juste situation Rita (la mezzo Milagros Martín) et Antonia (la contralto Gurutze Beitia). Le chœur, celui du théâtre (préparé par Antonio Fauró), n’est pas en reste, enlevé et enjoué comme se doit.
 

José Miguel Pérez-Sierra © Studio-Krzysztof-Piotr-Kalinowski

Quant à l’Orchestre de la Communauté de Madrid, lui aussi titulaire du théâtre, il épanche ardemment le beau relief de ses timbres sous la battue bien innervée de José Miguel Pérez-Sierra (autre spécialiste de ce genre lyrique et nouveau directeur musical du théâtre). Retour grandement accompli et reçu comme tel par un public enthousiaste.
 
Pierre-René Serna
 

T. Bretón : La verbena de la Paloma -  Madrid, Teatro de la Zarzuela, 15 mai, prochaines représentations les 22, 23, 24 et 25 mai 2024 // teatrodelazarzuela.mcu.es/es/temporada/lirica-2023-2024/la-verbena-de-la-paloma-2023-2024

© Javier del Real

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