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La Musique du Cantiques des cantiquesTrois questions à Jean Tubéry, directeur musical de l’ensemble La Fenice

20 ans déjà ! L’anniversaire de l’Ensemble La Fenice est l’occasion pour Jean Tubéry et ses musiciens de réaliser un vieux projet autour d’œuvres inspirées par le Cantique des cantiques lors d’une soirée exceptionnelle, le 12 février, dans la grande nef du Collège des Bernardins.

Dans quelles circonstances est né votre ensemble et en quoi consiste sa singularité dans le riche paysage des formations baroques françaises ?

Jean Tubéry : La Fenice a été fondée par cinq jeunes étudiants qui sortaient de la Schola Cantorum de Bâle. Nous nous étions spécialisés dans la musique du premier baroque italien (celle de l’époque de Monteverdi) et pratiquions des instruments encore assez méconnus tel que le cornet à bouquin - que j’ai la chance d’enseigner depuis vingt ans au Conservatoire de Paris. La particularité de la Fenice tient à sa spécialisation dans la musique du XVIIe siècle italien et à la pratique de l’ornementation improvisée. Je l’enseigne également depuis une vingtaine d’années au Conservatoire et c’est une pratique que j’attends de tous les musiciens qui collaborent à l’ensemble à géométrie variable qu’est La Fenice. Autre caractéristique de l’ensemble, sachant que le répertoire est extrêmement exigeant, je ne fais appel qu’à des virtuoses de leur instrument. A l’époque de la musique que nous abordons, la notion de « musicien d’orchestre » n’existe pas : chaque musicien est un soliste qui tient son rang ; il n’y a jamais de doublure.
Par-delà ces exigences, une connivence musicale est née entre des artistes qui se retrouvent je pense toujours avec plaisir au sein La Fenice.

Comment est venue l’idée de ce programme du 12 février autour de musiques inspirées par le Cantique des cantiques ; comment l’avez-vous conçu ?

J. T. : Je rêvais d’un tel programme depuis un certain temps. Il est le fruit des vingt ans pendant lesquels la Fenice à joué régulièrement des œuvres du Cantique des cantiques et je me suis dit qu’il était temps de les réunir. L’invitation du Collèges des Bernardins en aura été l’occasion ; nous allons donner pour la première fois ensemble toutes ces œuvres que j’ai eu la chance de collecter au cours de ces deux décennies lors de recherches dans diverses bibliothèques d’Europe. Il s’agit de partitions italiennes ou italianisantes (de Schütz par exemple).

Le Cantique des cantiques est une sorte d’énigme dans l’Ancien Testament – un poème d’amour écrit semble-t-il par le Roi Salomon ; mais les exégètes sont partagés là-dessus... - ; les poèmes qui le composent présentent une sensualité débordante qui va même jusqu’à l’érotisme, d’où le problème que ce Cantique des cantiques a pu poser à certains ecclésiastiques. Il s’agit d’un véritable hymne à la nature, sous forme de métaphores intégrées à une véritable déclaration d’amour. La sensualité est omniprésente et les diverses musiques qui s’en inspirent, d’une grand volupté, reflètent cet esprit. Lors du concert, un chanteur (Jan van Elsacker) et une chanteuse (Nuria Rial) vont figuraliser le couple d’amoureux et exprimer leur amour mutuel.

L’Ensemble La Fenice est en résidence à Auxerre depuis l’an dernier. Comment se déroule cette résidence, qu’a-t-elle apporté au fonctionnement de l’ensemble ?

J. T. : C’est pour nous une véritable réussite puisque nous sommes intégrés au tissu artistique et musical de la ville. Nous nous trouvons dans les murs de la Cité des musiques d’Auxerre, qui comprend le Conservatoire, une salle de concerts, une salle pour les musiques actuelles, un auditorium, des salles de répétition. Des bureaux finissent d’être aménagés pour nous – un gros investissement dont je remercie chaleureusement la municipalité auxerroise – et ceci nous permet de pérenniser notre résidence et d’offrir aux trois personnes que nous employons à temps plein pour l’aspect logistique de travailler de manière très sereine et à plus long terme. Au bout du compte les productions sont, du point de vue artistique, plus faciles à gérer et plus satisfaisantes pour des musiciens soignés « aux petits oignons ». Ce sont là des conditions de travail vraiment idéales.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 1er janvier 2010

« La Musique du Cantique des cantiques »
12 février 2010 – 20h
Collège des Bernardins
20, rue de Poissy – 75005
Tél. : 01 53 10 74 44
www.collegedesbernardins.fr

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Photo : DR
 

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