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La Maîtrise de Radio France et les Pages, Chantres et Symphonistes du CMBV interprètent Charpentier et Hersant – A quatre chœurs

En réunissant en un même concert Marc-Antoine Charpentier et Philippe Hersant, la Maîtrise de Radio France et le Centre de Musique Baroque de Versailles ont relié les musiques des XVIIe et XXIe siècles lors d’une soirée sous le signe de la spatialisation.
Rarement la reprise d’un concert aura autant été justifiée. Déjà donnés en 2015 par la Maîtrise de Radio France et par les Pages, Chantres et Symphonistes du Centre de Musique baroque de Versailles, la Messe à quatre chœurs H4 de Marc-Antoine Charpentier et le Cantique des trois enfants dans la fournaise de Philippe Hersant (une œuvre de 2014, commande de Radio France, couronnée d’une Victoire de la Musique classique en 2016) ont à nouveau prouvé la pertinence de leur couplage. Sans doute le principal mérite en revient-il à Philippe Hersant qui a su relever le défi de créer son Cantique néo-baroque sur le modèle de la Messe de Charpentier et avec le même effectif, en mariant subtilement le meilleur des finesses baroques et contemporaines. Mais les interprètes, depuis les chefs de chœur – Olivier Schneebeli pour Charpentier, Sofi Jeannin (photo) pour Hersant – aux instrumentistes en passant par les choristes, ont aussi mûri, donnant des deux œuvres une interprétation  pleinement aboutie et convaincante.

Olivier Scheebeli © DR

Ecrite vers 1670-1673, la Messe à quatre chœurs de Charpentier s’inspire des messes romaines de l’époque, dont le compositeur avait longuement étudié les arcanes. En s’adjoignant quatre chœurs, il a reproduit le concept de la Croix, avec l’idée d’entourer le public des églises d’un champ musical tantôt multiple et mouvant, lorsque les quatre points cardinaux se répondent, et tantôt unique et enveloppant quand les tutti se rejoignent pour couvrir l’assemblée de grandes vagues sonores. Dans l’auditorium de Radio France, ce schéma choral a été respecté. La multiplicité de l’échange s’enrichit encore de l’usage de toutes les tessitures : dessus, hautes-contre, tailles et basses, voix de femmes, d’hommes et d’enfants, ainsi que d’une prononciation gallicane judicieuse. Par ces habiles procédés de spatialisation, Charpentier visait une théâtralisation inédite en France de la Messe.

Sous la direction de Sofi Jeannin ... © MGrinand

Reprenant à son compte l’effectif et la spatialisation, Philippe Hersant a profité de la nature mystique et illuminée du poème d’Antoine Godeau pour le répartir comme autant de professions de foi entre les chœurs et les solistes. Le dialogue entamé par la Messe s’en est trouvé amplifié, en même temps que les tutti sonnaient formidablement. Lumineuse, et rappelant celle de Duruflé par certains accents, la musique est riche en mélodies délicieusement modernes qui s’harmonisent idéalement avec les sonorités baroques des instruments. Surtout, les nombreux jeux instrumentaux complètent et amplifient les élans des chœurs et des soli dans un ensemble passionnant. Enfin, les Pages, les Chantres et les Maîtrisiens usent admirablement de leurs voix pour donner au poème d’Antoine Godeau une valeur d’hymne universel. Leur quasi-autonomie atteste du superbe travail effectué préalablement par les chefs de chœur lors de la préparation du concert. Comblé par ce mariage de musique baroque et contemporaine, le public a ovationné les interprètes, mais aussi Philippe Hersant, grand maître de l’écriture chorale, dont on a pu apprécier l’art à l’aune de celui de Charpentier.
 
Michel Grinand  

Paris, Auditorium de Radio France, 21 février 2019

Photo © Christophe Abramowitz - Radio France

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