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La Jacquerie de Lalo et Cocquard à Radio France - Courageuse résurrection – Compte-rendu

Ressuscitée comme Fiesque par le Festival de Montpellier, La Jacquerie est le dernier ouvrage lyrique de Lalo. Tout à cet opéra, l’auteur du Roi d’Ys n’en achèvera toutefois qu’un acte sur quatre laissant à Arthur Coquard (1846-1910) la lourde tâche d’y mettre un point final à partir d’un important matériel orchestral. Malgré les références au grand opéra romantique et à son représentant le plus éminent à Paris dans le années 1830, Meyerbeer, la partition, moins développée, tire les leçons des acquis verdiens pour ce qui concerne la vocalité, très hardie, et wagnériens, en termes de gestion du flux musical. Difficile pour autant de trouver une véritable unité de ton, une couleur sonore homogène dans cette œuvre à l’inspiration disparate, où l’orchestre sonne souvent avec emphase, pour ne pas dire lourdeur : entre deux pages symphoniques de belle facture, quelques passages choraux ronflants et un séduisant duo final soprano/ténor, « La mort qui nous rassemble », l’auditeur tente de se frayer un chemin parmi cette composition anarchique pleine de bonnes intentions, mais jamais touchée par la grâce.
 
Dirigé avec la fougue et la compétence que nous lui connaissons dans le répertoire français par Patrick Davin, le Philharmonique de Radio France déjà réquisitionné à Montpellier l’été dernier (1), répond avec beaucoup d’assurance à la moindre sollicitation de cette pièce, où chaque pupitre est activement demandé. L’acoustique de l’Auditorium de Radio France n’est cependant pas toujours une alliée pour les voix, souvent écrasées par la masse orchestrale et les chœurs imposants, dans tous les sens du terme…
 
Dans un rôle de mère abandonnée et castratrice proche de la Fidès du Prophète, Nora Gubisch n’a ni l’aisance ni le format du contralto attendu : sa Jeanne compense heureusement ce déficit par une approche sensible du personnage qui, malgré son égoïsme, est touchant. Robert son fils, qui prend valeureusement la tête de la rébellion paysanne contre les nobles, au péril de sa vie, chanté par le ténor lituanien Edgaras Montvidas (entendu à Versailles en février dernier dans une autre découverte, Dante de Benjamin Godard (2)) est une belle surprise. Doté d’un joli timbre, d’une diction française remarquable et d’une voix saine qui ne recule devant aucune difficulté – et le rôle en est truffé ! – ce chanteur encore peu connu succède dignement à Charles Castronovo, présent à Montpellier en juillet 2015 - désormais fidèle aux résurrections du Palazzetto Bru Zane,
 
Egalement liée à ces ouvrages romantiques du XIXème siècle (Herculanum, Cinq-Mars, Dante), Véronique Gens, grande prêtresse de ce style français qui associe ampleur de la déclamation, maîtrise des registres et extension sur toute la tessiture, incarne Blanche avec l’élégance et la droiture qui font d’elle une cantatrice immanquable dans ce répertoire singulier.
De son côté Florian Sempey campe un Guillaume sûr et mordant, Alexandre Duhamel un Comte de Sainte-Croix fier et racé, tandis que Julien Véronèse (Le Sénéchal) et Rémy Mathieu (Baron de Savigny) sont de parfaits comprimari.
 
François Lesueur

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  (1) www.concertclassic.com/article/la-jacquerie-de-lalo-et-coquard-au-festival-de-radio-france-et-de-montpellier-urgence
  (2) www.concertclassic.com/article/dante-de-benjamin-godard-lopera-royal-de-versailles-que-demotions-compte-rendu
 
Lalo/ Coquard : La Jacquerie (version de concert) – Paris, Auditorium de Radio France, 11 mars 2016
 
Photo © Jean-François Leclercq – Palazetto Bru Zane

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