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La fibre baroque - Trois questions à Béatrice Massin, chorégraphe

Conçue pour la scène de l’Opéra Royal de Versailles et jouée avec les Talents Lyriques de Christophe Rousset, la Terpsichore de Béatrice Massin a déjà fait ses premiers pas au Festival Haendel de Halle, puis au Festival de Sablé (1). Massin, qui fit ses classes dans la danse contemporaine avant de s’engager dans la démarche baroque, continue son chemin de créatrice de la deuxième génération, après Francine Lancelot, sans obsession d’une rigueur historique souvent illusoire, mais avec la même impérieuse vitalité. La maturation d’un mouvement. Questions à un esprit qui danse.

Quel est le fil conducteur de cette nouvelle création chorégraphique ?

Béatrice Massin : Le Centre de Musique Baroque de Versailles m’a demandé de travailler autour du personnage de Marie Sallé, la grande ballerine célébrée par Voltaire, avec la Camargo. D’elle, je retiens sa liberté au-delà des conventions, sa force créatrice qui choqua à l’époque. Pour cela, elle préféra quitter Londres, où Haendel avait écrit pour elle ce Terpsichore, en 1734, en prélude à Il Pastor Fido, et revint à Paris où elle participa à la création des Indes galantes. Mais ce ballet est abstrait et pas du tout une tentative de reconstitution, type de travail dont je suis éloignée, même si j’utilise la grammaire baroque. Je crois qu’il va marquer une nouvelle étape dans ma recherche chorégraphique, et je l’ai conçu avec un vocabulaire très réduit, pour ne pas être trop dépendante des évolutions de la musique.

Vous dites avoir été guidée par le rapport à la peinture baroque ?

B. M. : En fait, j’ai voulu faire s’entrechoquer des mouvements, exactement comme les couleurs de peintres qui m’ont beaucoup inspirée: ainsi Nicolas Prévost, mais aussi Watteau et Matisse. J’ai été nourrie de toutes ces images. Et j’ai également tenté de cerner le travail d’esquisse du peintre avant son œuvre achevée. La première partie, sur des pages de Rebel, absolument ciselées à la française, sera donc en costumes comme dessinés à coups de crayons, en manière d’esquisse. Puis dans la deuxième partie, ils deviendront riches de couleurs fortes, sur la tendre et ronde musique de Haendel, laquelle fonctionne sur des lignes horizontales. Ce sera une sorte de kaléidoscope chorégraphique, à la fois claquant et épuré.

Comment danse aujourd’hui Terpsichore, telle que vous l’imaginez : comme Sallé, Duncan, Taglioni, Guillem ?

B. M. Comme la danse, tout simplement. Je veux essayer de la ramener à l’essentiel du mouvement, et je ne vous cache pas que mon passé-présent de danseuse contemporaine me conduit à rendre hommage à Cunningham par cette démarche. L’improvisation dionysiaque n’aura donc pas sa place dans ce ballet, mais au contraire une construction très élaborée, à laquelle les danseurs ont collaboré au fil de sa mise en place. J’ai voulu qu’ils ne soient que six, de façon à leur donner un vaste champ d’expression. Là est leur liberté et leur plaisir. Ensuite la pièce va évoluer, car elle va être privée par la suite de Christophe Rousset, et que nous devrons travailler sur enregistrement. Grâce à ce partenaire délicieux, les rapports musique-danse auront été très riches. Ensuite, cap sur l’autre pièce que je dois créer sur Rameau en collaboration avec Nicolas Paul, jeune chorégraphe et danseur de l’Opéra de Paris: Elisabeth Platel me l’a demandée pour l’anniversaire des Trois cents ans de l’Ecole de Danse, en mars 2013. Elle s’appellera : D’ores et déjà. Très émouvant.

Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 24 septembre 2012

(1) lire le compte rendu

Haendel : Terpsichore
Par les Fêtes Galantes et les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset
9 octobre 2012 – 20h
Opéra Royal de Versailles
(reprise les 20 et 21 février 2013 au Théâtre de Caen)

En complément : La DANSE BAROQUE proposée par Béatrice Massin (1DVD Chiloé productions ; sortie le 02/10/12). Rens. : www.fetes-galantes.com

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Photo : DR
 

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