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La Calisto à l’Opéra national du Rhin – Dans la fosse aux ours – Compte-rendu

La première rencontre de Mariame Clément et de Christophe Rousset s’était produite autour de Platée en 2010 à l’Opéra national du Rhin ; la musique de Cavalli les réunit aujourd’hui sur la scène alsacienne. Une production de la Calisto qui revendique d’ailleurs ouvertement ses clins d’œil à celle de Platée.
Au terme du 3ème acte du dramma per musica du Vénitien, Jupiter transforme l’héroïne en Grande Ourse et la place dans le firmament pour l’éternité. Mariame Clément décide pour sa part de situer toute la Calisto dans la fosse aux ours de ce que l’on imagine être un zoo ou un parc animalier. Décor unique avec, en son centre, une tourelle de démonstration-dressage, tourelle rotative (Julia Hansen signe les décors, tout comme les costumes) avec les avantages inhérents à un tel dispositif, avec ses inconvénients aussi – la circularité, comme chacun sait, peut finir par ... tourner en rond.
Que les amis de gent animale se rassurent, point d’affaire d’ourse cavallienne à l’Opéra du Rhin après celle du bœuf schœnbergien de la Bastille : un figurant dûment empoilé tient le rôle de la brave bête retenue dans la triste fosse et surveillée par un gardien nommé Endymion. Pas de quoi fouetter ... un ours, mais au bout du compte un résultat plutôt systématique (lassantes au bout d’un moment ces promenades avec claquements de fouet...) et prosaïque - exit le merveilleux !

Elena Tsallagova (La Calisto) © Klara Beck

Ces réserves sont heureusement compensées par les nombreux atouts vocaux du spectacle. Habituée de la scène alsacienne, où elle a été une inoubliable Renarde dans le Janáček mis en scène par Robert Carsen, Elena Tsallagova (photo) recueille tous les suffrages dans le rôle-titre avec un instrument parfaitement accordé à une présence et une musicalité jamais prises en défaut. Vivica Genaux, autre belle surprise de la soirée, se montre aussi convaincante en Diane que – moments hauts en couleur ! – en Jupiter travesti.
Vitole au coin du bec, frac et haut de forme, le Jupiter de Giovanni Battista Parodi en impose plus physiquement qu’avec une voix manquant d’homogénéité et à l’intonation imparfaite. Que de santé en revanche chez le tonique Mercure façon survet-baskets-casquette de Nikolay Borchev. A mettre au crédit de l’approche de Mariame Clément, la consistance qu’elle donne personnage d’Endymion qui trouve en Filippo Mineccia un interprète idéal. Il a été chaleureusement applaudi, tout comme Guy de Mey pour sa Linfea jamais caricaturale et psychologiquement très fouillée.
Quant à Raffaella Milanesi, elle signe une Junon nuancée, parfaitement accordée aux options musicales du chef. Enfin, attributs virils – factices – à l’air, le Satirino de Vassily Khoroshev ne passe certes pas inaperçu, mais convainc d’abord sur le plan vocal.

Raffaella Milanesi (Junon) et Elena Tsallagova (La Calisto) © Klara Beck

A la tête d’une douzaine de musiciens des Talens Lyriques, Christophe Rousset signe une Calisto d’une grande finesse, attentif qu’il est à nuancer, à raffiner les coloris. Il manque hélas – le soir de la première en tout cas – d’un geste théâtral plus affirmé, de plus de mordant dans les attaques et de ces couleurs vives qu’un Leonardo García Alarcón ose dans la musique de Cavalli pour que le bonheur musical soit complet, et pour éviter qu’un peu de lassitude ne s’installe au fil d’un spectacle somme toute bien sage.  

Alain Cochard

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Cavalli : La Calisto – Strasbourg, Opéra national du Rhin, 26 avril ; prochaines représentations les 2 et 4 mai, puis les 12 et 14 mai à Mulhouse (La Sinne) / www.operanationaldurhin.eu/opera-2016-2017--la-calisto-opera-national-du-rhin.html

Photo © Klara Beck

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