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Lionel Sow et le Chœur NFM de Wrocław à l’Oratoire du Louvre – Une danse macabre en ombres et lumières – Compte-rendu

     

Depuis trois ans à la tête du Chœur de Radio France, Lionel Sow (photo) y a développé une solide programmation où il n’hésite pas à emmener ses choristes vers des répertoires tous azimuts. Également directeur musical du Chœur du Forum National de Musique de Wrocław (Narodowe Forum Muzyki, NFM) (1) depuis 2021, Lionel Sow fait découvrir, à l’occasion d’un enregistrement (label Accord / NFM) et d’un concert proposé par Philippe Maillard Productions, la qualité de son travail avec cette formation. Le concert comme le disque (2) sont centrés sur la vaste fresque de la Totentanz de Hugo Distler (1908-1942), inspirée par les représentations médiévales de la Danse macabre. L’œuvre n’est pas inconnue pour les fidèles du chef, puisqu’il l’avait dirigée en 2022 à la Maison de la Radio avec le Chœur de Radio France.

 

 
Une mise en scène simple et efficace
 
Cette suite de quatorze « aphorismes » en forme de motets pour chœur, introduits par un narrateur et reliés par une série de motifs variés à la flûte, où la Mort convoque successivement chaque figure de la société – de l’Empereur à l’enfant, en passant par l’évêque, le marchand, l’ermite ou la jeune fille – pour se joindre à la danse macabre.
L’Oratoire du Louvre, lieu symbolique tout désigné pour ce fervent serviteur du culte luthérien, permet une mise en scène simple et efficace de l’œuvre : chanteurs et chanteuses disposés en demi-cercle au pourtour du chœur de l’édifice autour du chef, le flûtiste Jan Krzeszowiec légèrement avancé lors de ses interventions et, dominant le public depuis la chaire, Éric Ruf très convaincant dans le rôle de la Mort appelant ou invectivant chaque mortel avec l’assurance de celui qui sait qu’il sera suivi.
 

Puissance et nuances
 
Ce qui frappe d’emblée, c’est la puissance et la rectitude du chœur, ce qui n’empêche pas une grande profusion de nuances, chacun des aphorismes de Distler ayant sa couleur propre. Ces qualités étaient perceptibles dès l’ouverture du concert avec deux pages classiques de l’école moderne polonaise : Euntes ibant et fleabant (1973) de Henryk Górecki et In pulverem mortis, tiré de la Passion selon Saint Luc (1966) Krzysztof Penderecki. Dans ces pièces où la forte puissance émotionnelle vient des variations continues (dynamique, glissandos), la cohésion du chœur et la circulation harmonique sont tout simplement prodigieuses sous la direction de Lionel Sow. Il en est de même dans le sublime motet O Tod, wie bitter bist du (1912) de Max Reger, où les plans harmoniques se succèdent les uns aux autres et font coexister ombre et lumière.
Deux pièces pour flûte, la Miniature n° 4 (1995) de Philippe Hersant et la Sarabande de la Partita en la mineur de Bach, superbement interprétées par Jan Krzeszowiec, nouent entre elles les différentes œuvres de ce programme intelligent et généreux. Une grande réussite !
 
Jean-Guillaume Lebrun
 

Paris, Oratoire du Louvre, 10 juin 2025.

(1) Signalons que, deux jours après le concert à l'Oratoire du Louvre, le Chœur NFM a pris part à la création mondiale du Te Deum pour Notre-Dame de Thierry Escaich sous la direction d'Alain Altinoglu : www.concertclassic.com/article/creation-mondiale-du-te-deum-pour-notre-dame-de-thierry-escaich-pour-la-cathedrale-miraculee
 
(2) 1 CD Accord / NFM ACC 335 - NFM 90 (enregistré à Wrocław en 2023 et 2024)

Photo © Radio France

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