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Katia Kabanová à l’Opéra de Dijon - La fibre tchèque dans tous ses états - Compte-rendu

La programmation de l’Opéra de Dijon présente, cette saison, une forte tonalité tchèque et cette production de Katia Kabanová en constitue l’un des temps forts. Laurent Joyeux, directeur de l’institution, en assure la mise en scène : sa passion pour la Mitteleuropa ne s’est jamais démentie depuis un séjour à l’Institut français de Prague. La réussite du spectacle tient pour une large part à l’authenticité de la fibre qui anime chaque protagoniste de ce drame ramassé où s’expriment les conflits émotionnels si caractéristiques de l’âme slave.  
 
Futaie, véranda d’une datcha (habilement éclairée par Jean-Pascal Pracht) : la scénographie actualisée de Damien Caille-Perret, entre ombre et lumière, rappelle l’univers de Tchekhov. Le spectacle prend ensuite une dimension quasi tellurique au moment de l’orage et de la montée des eaux de la Volga où s’enfoncera progressivement Katia à la fin de l’ouvrage. Les costumes années 50 de Céline Perrigon participent de cet univers manichéen où le blanc et le noir s’opposent, comme les affrontements à fleur de peau entre les personnages.
 

© Gilles Abegg

Plateau parfaitement accordé aux intentions de Janáček : la Slovaque Adrea Dankova s’investit dans le rôle-titre avec une simplicité bouleversante et une émotion perceptible jusqu’à son sacrifice ultime. Le Boris d’Alexey Kosarev possède une puissance physique et vocale que contrarie quelque peu sa difficulté à assumer pleinement la théâtralité du personnage.

Tyrannique, mais sans hystérie, Katja Starke propose une Kabanicha d’une violence contenue. La scène freudienne et sadomasochiste où elle fouette son amant, le pervers Dikoj de Krystof Borysiewicz, donne un piment sexuel savamment dosé mais très explicite en un moment de réalisme suggestif.
Tichon, totalement sous la coupe de sa mère, est incarné par Albert Bonnema avec toute la pleutrerie voulue et l’inconsistance qui convient.
 On n’oubliera pas non plus la prestation de Jérôme Billy en Koudriach, instituteur éclairé, et de sa compagne la fine et piquante Varvara de Katarina Hebelkova : timbre profond, généreux, fluide.
A la tête de l’orchestre des Czech Virtuosi, Stefan Veselka rend toute sa saveur à la partition avec un lyrisme qui n’hésite pas à flirter avec celui de Puccini. A la verdeur des bois, aux cuivres acérés, répondent les cordes menées par une baguette engagée et frissonnante de poésie. Un travail d’équipe superbement réalisé et abouti !
 
Michel Le Naour
 
Janáček : Katia Kabanová - Dijon, Auditorium, 24 janvier 2015

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Photo © Gilles Abegg

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