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Isabelle Faust, Andris Nelsons et le Gewandhausorchester Leipzig aux Prem’s de la Philharmonie – Entre intériorité et puissance – Compte-rendu

Mardi 2 septembre, la Philharmonie de Paris faisait sa rentrée symphonique, avec le Gewandhausorchester Leipzig dirigé par Andris Nelsons (photo). La cloche a sonné dans la grande salle Pierre Boulez, celle de Cantus in memoriam Benjamin Britten d’Arvo Pärt, bien que celle-ci tienne davantage du glas. La pièce pour orchestre à cordes et cloche, vaste crescendo construit sur un motif mélodique, a donné toute la mesure de l’excellence de la phalange allemande. Après un climax triomphant tout retombe dans une palpitation mourante, un dernier coup de cloche fatal.

© Denis Allard
Un conception très intériorisée
Au cœur du programme, le Concerto pour violon de Dvořák est interprété par Isabelle Faust, remplaçante d’Hilary Hahn qui a dû annuler de nombreuses dates en raison d’une lésion nerveuse. Aux trois premiers accords tutti qui semblent s’écrouler dans un réalisme désarmant, succède le jeu limpide et clair de la violoniste allemande. Sur sa « Belle au Bois dormant » – joli nom d’un Stradivarius de 1704 –, Isabelle Faust parcourt avec aisance les pages virtuoses d’un concerto dont elle paraît cependant penser et intérioriser chaque note, quitte à manquer de fougue et d’un zeste de nervosité. Ce qui nous aurait presque fait oublier la souplesse expressive et la théâtralité d’Hilary Hahn. Entretenant une forte connivence avec l’orchestre, Isabelle Faust finit par révéler l’âme de la culture slave dans le troisième mouvement, et conclut en bis avec une transcription nostalgique, profonde et intime d’un Adagio (originellement pour viole de gambe) de Karl Friedrich Abel.
Clin d’œil aux Proms
Cette année, la Philharmonie de Paris propose un nouveau festival symphonique pour lancer sa saison : les Prem’s, cinq concerts placés sous le signe de l’accessibilité et de la « décodification » de la musique classique, avec des places en « parterre » à une quinzaine d’euros. Une curiosité émousse pourtant le tableau : le choix d’avoir converti la moitié du parterre en fosse. Pâle clin d’œil aux Proms de Londres, cette configuration oblige, par ses normes de sécurité, le public à se tenir debout, sans que l’ambiance dans la salle n’invite à le faire. Aussi finit-on par retirer ses chaussures pour essayer de trouver un peu de confort, et tente-t-on de soulager la raideur des muscles en étirant ses jambes et en finissant accroupi. Dommage que l’accessibilité se soit traduite par le sacrifice du confort. Bon ... Reste que la Symphonie n°2 de Sibelius est un triomphe que l’on apprécie tant debout qu’assis.
Des couleurs fascinantes, bibliques
Andris Nelsons déroule un discours d’une spontanéité frappante, révèle la puissance des éléments naturels qui ont tant inspiré le maître finlandais. On admire l’amorce du second mouvement, menée en pizzicato par les contrebasses et les violoncelles. La petite harmonie peine quelque fois à s’imposer face aux cordes et aux cuivres, redoutablement puissants. Andris Nelsons, parfois rigide et coupant court à toute submersion romantique, fait montre d’une parfaite maîtrise de l’architecture de la symphonie, dont le dernier mouvement n’a de cesse de s’effondrer avant d’éclater dans une conclusion vibrante, sublimée par les couleurs fascinantes, bibliques, de l’orchestre.
Antoine Sibelle

Philharmonie de Paris, le 2 septembre 2025
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