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​Festival Musica-Strasbourg 2020 - Ouverture sans fanfares - Compte-rendu

Dirigé depuis 2019 par Stéphane Roth, Musica, le festival des musiques d’aujourd’hui de Strasbourg, semble prendre un nouveau départ. En témoigne l’ouverture de cette 38e édition, avec des œuvres, des compositeurs et des interprètes hors des sentiers perpétuellement balisés de la musique contemporaine.
 
C’est ainsi que le grand concert d’ouverture, partagé cette fois en deux soirées, a navigué parmi des transmissions et des rituels inhabituels. La première soirée, dans le Hall Rhin du Palais de la musique, sorte de vaste hangar cubique, distribue des pages d’une esthétique minimaliste et répétitive : jeu de percussions excentriques du compositeur japonais Ryoji Ikeda (photo, né en 1966), Run Time Error du Danois Simon Steen-Andersen (né en 1976) mêlant vidéo déjantée et déambulation musicale par l’Ensemble Modern, et pour finir, un classique du genre, le fameux Stimmung (1968) de Stockhausen par l’ensemble vocal Les Métaboles.Musiques planantes pour trois heures d’une soirée étirée en méditations (à défaut de fumer un joint).
 

© Christophe Urbain
 
Le lendemain, toujours dans le même lieu avec toujours des changements de dispositifs, place à d’autres volutes vocales avec Teenage Lontano de l’Américaine Marina Rosenfeld, en forme de musique spatiale pour chorale d’adolescents à l’unisson et électronique, puis, avec cette fois l’appoint du Basel Sinfonietta en grande formation sous la direction ferme de Baldur Brönnimann, Joshua Tree, création mondiale de l’Autrichien Georg Friedrich Haas (né en 1953), fait de timbres mêlés comme un rêve étoilé, et enfin Piano Concerto à nouveau de Steen-Andersen et un orchestre démultiplié, ou le piano devient décomposé et parfois brusqué (à l’instar de la vidéo projetée d’un piano à queue lâché d’une hauteur de trois étages !) sous les doigts agiles de Nicholas Hodges. Introductions du festival par des chemins détournés, presque inattendus.
 
Ce week-end d’ouverture est aussi l’occasion, comme de coutume, d’une série marathon de concerts dans différents lieux. À la salle de la Bourse, deux matinées : pour célébrer des créations françaises de Clara Iannotta, Mirela Ivecevic, Martin Schüttler, dans un langage encore minimaliste, et la reprise de Trio de Georges Aperghis (daté de 1996), à la charge du Trio Catch, constitué de trois vaillantes instrumentistes (violoncelle, clarinette et piano) d’une exemplaire ductilité ; puis à nouveau Ryoji Ikeda pour deux créations françaises en forme de continuo de timbres, encadrant la référence de toujours du 14e Quatuor op. 131 de Beethoven, par un Quatuor Diotima au mieux de sa musicalité. À la Cité de la Musique et de la Danse un « Laboratoire de l’écoute » associe la participation du public à des partitions qui demandent à être fixées, dans une expérimentation où l’humour n’est pas absent. Au Maillon, nouvelle salle inaugurée l’an passé par Emmanuel Macron, revient Ryoji Ikeda, musicien honoré par cette édition du festival en compagnie Steen-Andersen, avec d’autres percussions tout autant iconoclastes (pour télégraphes, métronomes, livres, billes…), face à un public aussi attentif que multiple. Car c’est l’une des vertus de Musica, confirmée au fil des éditions, que celle d’avoir su fidéliser un public nombreux et fervent.
 
Pierre-René Serna

Strasbourg, Festival Musica à Strasbourg, 18-20 septembre ; jusqu’au 3 octobre 2020  // festivalmusica.fr
 
Photo © Henri Vogt

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