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Festival de La Chaise-Dieu 2018 – L’Europe musicale - Compte-rendu
Si l'orgue classique français de l'abbatiale Saint-Robert ne saurait être l'épicentre d'un Festival aussi richement éclectique que celui de La Chaise-Dieu, fondé en 1966 par Georges Cziffra, il n'en retentit pas moins en introduction à chaque concert donné dans l'impressionnant vaisseau unique, subdivisé par le jubé que prolonge de part et d'autre l'immense clôture du chœur (séparation tenant lieu, côté extérieur gauche, de support aux trois longs panneaux de la rare et étonnamment moderne Danse macabre, v. 1470). La mission d'introduction à l'orgue, pour cette 52ème édition, a été confiée à Daniel Gottfried et à Constance Taillard, étudiants aux CNSM de Paris et de Lyon, cette dernière par deux fois entendue lors du week-end orgues et orchestres de novembre dernier à la Philharmonie de Paris (1). Année Couperin oblige, un concert à part entière a toutefois permis d'entendre cet instrument optiquement exceptionnel, musicalement de grande qualité et d'une vraie cohérence esthétique.
À moins d'avoir le don d'ubiquité, impossible d'assister à tous les rendez-vous musicaux du Festival (33 concerts à l'affiche cette année), plusieurs d'entre eux pouvant être donnés au même moment en différents lieux – outre l'abbatiale et l'Auditorium Cziffra de La Chaise-Dieu (le projet global de réhabilitation de l'ancienne abbaye devrait s'achever en 2020) : Le Puy-en-Velay, Brioude (haut lieu de l'architecture romane et gothique parmi les plus fascinants d'Auvergne), abbaye de Lavaudieu, Chamalières-sur-Loire, Ambert, Saint-Paulien.
The King's Consort © Guilhem Vicard
Musique chorale anglaise en la cathédrale du Puy-en-Velay
Le dimanche 19 août et pour la troisième fois de l'histoire du Festival, la cathédrale du Puy-en-Velay, qui pourrait devenir un solide point d'ancrage de la programmation, accueillait le Choir of The King's Consort (la veille à La Chaise-Dieu, le King's Consort en grande formation avait ouvert l'édition 2018 avec Israël en Égypte de Haendel) : programme choral a cappella en langue anglaise mais aussi latine, intitulé Voix célestes pour une cathédrale – un récent et remarquable CD permet de retrouver en partie les œuvres entendues au Puy (2). Ancré dans l'univers des cathédrales anglaises, chapels et autres colleges, témoignant au fil des siècles d'une continuité dans la diversité sans équivalent dans les autres pays d'Europe, ce répertoire demeure unique par sa richesse et son intangible tradition interprétative. Relativement peu exploré chez nous, bien que Notre-Dame de Paris, par exemple, ait eu à cœur depuis la renaissance de sa Maîtrise de révéler maintes œuvres de maîtres de la fin du XIXe et du XXe siècles, certains ici représentés tels Charles Villiers Stanford et Benjamin Britten, ce répertoire fut bien sûr restitué de façon optimalement idiomatique par Robert King (photo) et ses trente chanteurs, certains également solistes, tous puisant à la source toujours vive de cette musique qu'ils connaissent pour la plupart depuis leur enfance musicale.
Cette force de la tradition au sens constructif du terme, on put la ressentir dès le fastueux Vox dicentis : Clama d'Edward Woodall Naylor (1867-1934), grandiose portique arc-bouté sur une écriture sans cesse mouvante, raffinée, subtile et d'une suprême élégance dans l'harmonie et la ferveur, à l'instar de l'ensemble du programme, présenté au fur et à mesure, en anglais, par Robert King. Si l'esprit d'une même tradition innerve les œuvres, la personnalité des compositeurs s'affirme pleinement à travers l'univers harmonique de chacun, clairement individualisé. Diversité formelle et émotionnelle des Three Latin Motets de Villiers Stanford (1852-1924, auteur notamment de Sonates pour orgue) ; climat mystérieux, quasi orientalisant, de I heard a voice from heaven de Herbert Howells (1892-1983, connu lui aussi pour son œuvre d'orgue) ; sensualité et grandeur contrastées des pages de William Walton (1902-1983), avec d'ineffables prodiges de souffle dans les tenues finales, comme en vérité dans toutes les pièces se refermant de manière extatique ; même alternance de douceur diaphane et de force chez William Harris (1883-1973).
L'un des sommets attendus tint toutes ses promesses : l'extraordinaire Hymn to St. Cecilia de Benjamin Britten, stupéfiante de liberté et d'inventivité, de maîtrise formelle dans son originale traduction chorale. À l'instar du CD présentant plusieurs versions d'un même texte, on put ici vérifier combien l'heureuse tradition perdure avec Drop, drop, slow tears de Thomas Hewitt Jones (né en 1984), d'une consonante « perfection » où la modernité semble hors sujet, puis de Kenneth Leighton (1929-1988), sensiblement et plus douloureusement impliqué que son cadet – l'harmonie par d'autres moyens. Quatre pages prenantes refermaient cette exploration dense et variée : l'une de Robert Murrill (1909-1952), dont les organistes connaissent le fameux Carillon ; une autre adaptation de I heard a voice from heaven, signée Stanford ; Bring us, O Lord God de Harris : pur chef-d'œuvre de grandeur et d'effusion vocale ; enfin le sobre et émouvant Motet sur la mort du président Kennedy de Howells, auquel le compositeur mêla sa douleur à jamais vive, à la suite de la disparition de son fils quelque vingt années plus tôt – admirable d'intensité et d'émotion contenue.
Jean-Luc Ho © DR
François Couperin « le Grand » à l'orgue et au clavecin
Le concert Couperin du lendemain après-midi était très attendu, occasion d'entendre à loisir l'apparat des timbres de l'orgue de La Chaise-Dieu, dédié à ce type de répertoire. Ce « même » programme – Messe propre pour les convents de religieux et religieuses (1690) de François Couperin, en dialogue avec des Motets pour la fête de la Sainte-Cécile empruntant à Henry du Mont, Guillaume-Gabriel Nivers et Jean-François Lalouette – avait été découvert il y a deux ans à Saint-Germain-des-Prés (3), par les mêmes interprètes : Jean-Luc Ho à l'orgue et Les Meslanges de Thomas van Essen pour l'alternance et les pièces vocales. La fréquentation des deux Messes de Couperin par les musiciens durant ces deux années ne pouvait que porter ses fruits, tant Jean-Luc Ho que Thomas van Essen ressentant un indéniable approfondissement de leur compréhension de cette musique, notamment dans le rapport musical à la parole. La partie vocale s'est par ailleurs sensiblement enrichie, avec l'ajout d'un Introït développé et plus encore d'un Credo de grande ampleur (Lalouette), dans lequel à l'intonation solo répond une radieuse polyphonie homorythmique, les voix, comme pour l'ensemble de l'alternance et des motets, étant soutenues par le serpent de Volny Hostiou, dont la sonorité trouva aisément à s'épanouir dans l'acoustique de la nef de La Chaise-Dieu, alliant présence et douceur. Pour les motets, comme à Paris, solistes vocaux et serpent, quittant le devant du jubé où était chantée l'alternance pour la Messe, gagnèrent la tribune, accompagnés au plus près par les fonds doux du Positif : difficile après cela d'entendre un petit orgue coffre en guise de soutien de pages musicalement si denses.
L'orgue de La Chaise-Dieu © Mirou
Quelques mots sur l'histoire du grand orgue. En 1683, l'abbé Hyacinthe Serroni commande l'instrument et sa tribune, voyant grand, trop sans doute, jusqu'à la faillite. L'incroyable tribune est donc érigée, ainsi que le buffet du Positif, d'un dessin plus qu'original et doté d'une douzaine de jeux – l'orgue reste inachevé et son facteur inconnu. En 1727, Marin Carouge, originaire d’Ornans (Jura), termine l'orgue, qui passe à quatre claviers : le grand orgue classique français dans toute sa splendeur, à deux claviers principaux et deux dessus. Il se pourrait que le grand buffet ait été récupéré d'un instrument de quelques décennies antérieur – donc du XVIIe, bien que différant stylistiquement du Positif, à nul autre pareil. Outre les buffets et la tribune, subsistent aujourd'hui de l'orgue ancien, remanié aux XIXe et XXe siècles, les sommiers, les soufflets et les claviers (restaurés).
« Georges Cziffra qui est arrivé ici dans les années 1965-66 […] a lancé l’idée du Festival de La Chaise-Dieu dans le but de restaurer les orgues, et il a fait don de ses premiers cachets pour contribuer – cela ne suffisait évidemment pas – à la restauration des orgues » – J.-L. Perrot (4). L'orgue devenu injouable est complètement reconstruit (tuyauterie, mécanique) en 1971-1976 par la maison Dunand, de Villeurbanne. En 1980, Marie-Claire Alain enregistre sur cet orgue sa deuxième intégrale Grigny, mais n'en est pas satisfaite. La restitution Dunand ne faisant guère l'unanimité, l'Association Marin Carouge est créée, l'idée d'une nouvelle reconstruction lancée. Celle-ci sera confiée, avec succès, à Michel Garnier qui dès 1990 travaille à ce chantier emblématique : un orgue neuf d'esthétique classique réalisé selon les pratiques de la facture ancienne. Inauguré en 1995 par le regretté Michel Chapuis (dont l'actuel maire du Puy-en-Velay se trouve être l'exact homonyme), l'orgue n'a plus fait l'objet de travaux d'importance tout en étant régulièrement entretenu.
Plus de vingt ans sans relevage, ce peut être beaucoup pour un orgue (ici soumis, à 1100 mètres d'altitude, à de fortes variations de températures). Afin de valoriser l'instrument sans en mettre à nu les actuelles faiblesses, Jean-Luc Ho, dont le jeu d'une si musicale vivacité était retransmis sur écrans, dut adapter les registrations de Couperin, avec talent et dans le strict respect des équilibres de timbres, ne faisant entendre que le meilleur. Lequel s'imposa en majesté dès le saisissant grand plein-jeu initial, équilibré et chaleureux, irradiant avec aplomb dans la vaste nef, de même le grand chœur d'anches dans les Dialogues et le somptueux Offertoire. Les anches de détail (Fugue sur la trompette, multiples pièces faisant appel au cromorne, très sollicité par Couperin) firent elles aussi merveille.
Sans doute jeux de tierce et cornets sont-ils plus problématiques, puisque seul le dessus du Positif fut utilisé : le Trio à deux dessus de cromorne et basse de tierce du Kyrie fut entièrement confié au cromorne, le Duo sur les tierces du Gloria fit appel à une anche pour le dessus et à un souple mélange ad hoc pour la basse – s'ensuivit une Basse de trompette d'autant plus électrisante et maîtrisée que l'on pu voir un certain souci de partition (petit sursaut dans l'assistance)… L'un des temps forts des Livres d'orgue de l'ère louis-quatorzième reste le Récit de tierce en taille (ténor) de l'Élévation, auquel se substitua un Récit de voix humaine en taille : cas de force majeure pour un renouvellement impromptu de la pièce, d'une éloquence autre mais pour un chant d'une sensibilité profitant de l'élocution si particulière du jeu de voix humaine, « hésitante » et ne pouvant être brusquée, quand le jeu de tierce respire une altière et virtuose autorité. Si l'orgue de La Chaise-Dieu, splendide, nécessite indéniablement un relevage, il permit aux festivaliers d'appréhender sur le vif les contraintes auquel un instrumentiste peut se trouver soumis et plus encore d'apprécier les solutions musicales apportées tout au long d'un concert d'une spirituelle et enthousiasmante beauté. Notons que Jean-Luc Ho et Les Meslanges (5) ont enregistré Paroisses et Couvents de Couperin en juin dernier pour Harmonia Mundi, à Juvigny et à Saint-Michel-en-Thiérache (à paraître en 2019) – en attendant les Messes récemment retrouvées de Jehan Titelouze.
Le deuxième concert, à l'Auditorium Cziffra, poursuivait avec un autre aspect de François Couperin : le clavecin. Benjamin Alard, grand habitué des lieux, y touchait le splendide instrument dont il est en quelque sorte le parrain, construit par Frédéric Bertrand et inauguré en 2016 pour le 50ème anniversaire du Festival (6). À noter que dans le souci commun du Festival et des associations œuvrant au rayonnement de l'ancienne abbaye de La Chaise-Dieu : faire vivre les lieux en dehors de la période festivalière, des masterclasses y sont pour la troisième année consécutive organisées à l'automne. Benjamin Alard reviendra donc du 22 au 27 octobre, avec en ouverture un concert à deux clavecins en compagnie d'Élisabeth Joyé.
Au programme initialement prévu, Benjamin Alard ajouta en préambule une grande Suite en ré mineur de Louis Couperin. Entre liberté agogique de type prélude non mesuré puisant à la source de l'improvisation et poétique carrure de danses stylisées : une manière de faire entrer l'auditoire dans une dimension poétique étrangère aux contraintes temporelles. S'ensuivirent trois autres pièces de ce Couperin dont on sait aujourd'hui (même si l'occasion d'entendre en parallèle ses nombreuses et splendides pièces d'orgue n'est que trop rare) combien lui aussi pourrait prétendre à être dit « le Grand » : Prélude en fa majeur, Tombeau de Monsieur de Blancrocher, Chaconne en fa majeur – inventivité « spontanée » et souplesse du toucher, respiration musicale faisant oublier la savante rigueur et l'exactitude de l'écriture.
Prélude et Allemande en ré mineur de L'Art de toucher le clavecin (1716) de François Couperin prirent le relai, passation fluide de l'oncle au neveu mais changement manifeste d'époque, avec juste ce qu'il faut d'ornementation pour ne pas contredire l'auteur, qui souhaitait un plus grand respect du texte, ainsi que Benjamin Alard l'expliqua, tout en permettant à l'interprète de vivifier les pièces par son propre tempérament. Benjamin Alard enchaîna sur un cycle idéalement en situation : Livre pour virginal (1987) d'Alain Louvier, dont les pièces nécessitent en cours d'exécution de réaccorder quelques notes, afin que certaines tierces ne soient ni majeures, ni mineures – une sorte de mijeur, proposa Benjamin Alard, doucement « détonnant », à l'instar des idées ou images suggérées par ce cycle acéré qui, à sa manière, mit superbement l'instrument en valeur. Synthétisant les XVIIe et XVIIIe siècles, entre baroque et Lumières, Alain Louvier prolonge dans ces six pièces, et avec quelle vivacité, exigence et concision, l'art du portrait tel que pratiqué par Couperin. Portrait souvent à charge et non sans causticité : Les Embuscades, Les Fastes du pouvoir, humour pour ainsi dire peu charitable : L'Hésitante, et esprit critique : on doute que Le Baroque triomphant touche réellement au but. La seconde partie du récital puisait dans le cycle de 1716 ainsi que dans le Sixième Ordre de la même année, mais le concert du soir imposait de reprendre la route (somptueuse, et plus encore au soleil déclinant) en direction du Puy-en-Velay…
Giulio Prandi dirige le Ghislieri Consort © Bertrand Pichène
Musique sacrée et instrumentale du baroque napolitain
Saint-Paulien, à quinze kilomètres avant le Puy pour qui vient de La Chaise-Dieu – le facteur de clavecins Frédéric Bertrand y a son atelier – s'enorgueillit d'une église, la collégiale Saint-Georges, dotée d'une architecture surprenante. La nef unique, d'une remarquable ampleur, ouvre sur un chœur en forme de majestueuse conque de pierre générant une acoustique exceptionnelle, le son étant renvoyé jusqu'au fond de la nef sans distorsion ni perte d'intensité ou d'intelligibilité. Un lieu parfait pour la musique, ainsi que le programme Italie sacrée le confirma devant un auditoire enthousiaste.
Les Coro e Orchestra Ghislieri (7) – en résidence au Collegio Ghislieri de Pavie, nommé d'après Antonio [Michele en religion] Ghislieri (1504-1572) : le pape Pie V, l'un des principaux artisans de la Contre-Réforme – donnaient sous la direction de Giulio Prandi, superbement francophone, leur cinquième concert au Festival de la Chaise-Dieu depuis 2013 (un sixième suivit dès le lendemain après-midi en l'abbatiale Saint-Robert : Haendel romain). Trois maîtres napolitains parmi les plus importants du XVIIIe siècle y étaient à l'honneur, rejoints par un compositeur sicilien. Le plus célèbre, pour le public français, est assurément Francesco Durante (1684-1755), né en Campanie (Frattamaggiore, aujourd'hui intégrée à la métropole de Naples), auteur prolifique de musique religieuse (et dans une bien moindre mesure de musique profane) : un célèbre Requiem, des oratorios, messes, litanies et motets, mais aussi huit Magnificat, dont celui entendu aussitôt après une brève Toccata d'introduction à l'orgue positif.
Aux seize voix, dont les quatre solistes (les chanteurs étant disposés non par tessitures mais selon une savante imbrication donnant pour chaque « pupitre » une sensation de spectre large), répondait une formation instrumentale resserrée : deux violons, violoncelle, contrebasse, théorbe et orgue, tous si généreux de timbre et de dynamique que cette œuvre concise et véritablement euphorisante, d'une bienheureuse veine mélodique pouvant évoquer le charme et la séduisante sensualité d'un Pergolèse, s'y trouva rehaussée d'un éclat des plus stimulants. Une œuvre instrumentale pour cordes et continuo, sonata da chiesa de coupe lent–vif–lent–vif (dont un Largo ornementé de toute beauté), vint s'insérer après le Magnificat : Sinfonia (avec violon principal) de Niccolò Jommelli, natif d'Aversa (tout près de Frattamaggiore), avant tout connu comme compositeur d'opéras et de musique sacrée. L'impact de cette musique éminemment communicative fut tel sur le public que les musiciens semblèrent presque étonnés de leur retentissant succès.
Cette première partie, un alto se joignant dès lors au pupitre des cordes, se referma sur un singulier Motetto per San Michele Arcangelo de Davide Perez (1711-1778), Napolitain actif dans les domaines de l'opera seria et de la musique sacrée, devenu en 1752 compositeur à la cour de Lisbonne. Ce Motetto si plaisamment descriptif s'ouvre sur une habile évocation du… silenzio : « Il y avait un silence dans le ciel / Quand le dragon s'est battu avec l'archange Michel », dispute d'inspiration ou de restitution tragi-comique permettant à la basse solo des effets d'un réjouissant mordant sur draco – et Perez d'enchaîner les sections contrastées en jouant sur l'opposition silentium / bellum. Magnifique solo de basse très chantante dans la seconde partie (Milia milium), l'œuvre concluant en apothéose.
La seconde partie était consacrée au Stabat Mater (1707) d'Emanuele Rincón d'Astorga (1680-1757), né près de Syracuse et qui devait finir sa vie à Madrid, reflet des liens étroits entre Espagne et Royaume de Naples. Certes déjà admirés en première partie, les solistes Sonia Tedla (soprano), Marta Fumagalli (alto), Krystian Adam (ténor) et Matteo Bellotto (basse) eurent alors, chacun et par deux fois (en duos et/ou solos entrecoupés de chœurs), l'occasion de briller de la plus envoûtante manière – quatre voix d'égales qualités, en vérité superlatives, se répondant dans un parfait équilibre, profondément émouvant, à commencer par l'intime duo soprano-alto Quis est homo, prolongé par ténor et basse à partir de Pro peccatis. Épicentre à la fois structurel (cinquième des neufs pièces) et émotionnel de l'ouvrage, le Sancta Mater confié au soprano solo se révéla le moment de grâce de cette œuvre splendide, lente désolation au souffle maintes fois suspendu, lyrique et pleine d'empathie – en contraste marqué avec le duo alto-ténor Fac me tecum faisant immédiatement suite, tout énergie et d'un irrésistible allant, le solo de basse Fac me plagis introduisant brièvement mais avec noblesse le chœur final. Un premier bis, décanté et introduit par l'orgue, permit d'entendre, telle une survivance de la polyphonie baroque, un graduel pour la semaine sainte de Michael Haydn : Christus factus est, puis le concert se referma, alpha & omega selon la formule de Giulio Prandi (dirigeant l'ensemble du programme par cœur), sur la section initiale du Magnificat de Durante – que le public aurait sans se faire prier, et avec quel plaisir !, volontiers réentendu en entier.
Michel Roubinet
Festival de La Chaise-Dieu, concerts des 19 et 20 août : cathédrale du Puy-en-Velay, abbatiale Saint-Robert et Auditorium de La Chaise-Dieu, collégiale Saint-Georges de Saint-Paulien
(1) www.concertclassic.com/article/orchestres-en-fete-met-lorgue-lhonneur-la-philharmonie-de-paris-un-multivers-de-mondes
(2) A Voice from Heaven – British Choral Masterpieces / Choir of The King's Consort, Robert King
www.vivatmusic.com/catalogue/a-voice-from-heaven
(3) www.concertclassic.com/article/jean-luc-ho-et-les-meslanges-saint-germain-des-pres-la-gloire-de-couperin-compte-rendu
(4) Présentation de l'orgue de La Chaise-Dieu par Jean-Luc Perrot
www.abbaye-chaise-dieu.com/-Presentation-de-l-orgue-J-L-Perrot-.html?var_recherche=orgue
Discographie des orgues de La Chaise-Dieu (Dunand 1976, Garnier 1995) par Alain Cartayrade (France Orgue) :
www.france-orgue.fr/disque/index.php?zpg=dsq.fra.rch&org=&tit=&oeu=&ins=Chaise-Dieu&cdo=1&dvo=1&vno=1&cmd=Rechercher&edi=
(5) www.lesmeslanges.org/programmes/Couperin.html
(6) Cf. « Le Festival de La Chaise-Dieu saisit l’occasion de son cinquantenaire et de son inscription dans le Projet Chaise-Dieu 2015-2018 (projet global de réhabilitation et de mise en valeur de l’ensemble abbatial) pour préparer sa mutation en un pôle musical actif à l’année. »
blog.chaise-dieu.com/2016/04/29/un-clavecin-pour-un-50e-anniversaire-2/
(7) www.ghislieri.cc/fr/
Photo Robert King © Guilhem Vicard
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