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« Orchestres en Fête » met l’orgue à l’honneur à la Philharmonie de Paris – Un « multivers » de mondes parallèles – Compte-rendu

Un orgue peut en cacher un autre, et même plusieurs ! Ce fut l'un des multiples points forts de ce week-end généreusement diversifié : permettre au mélomane de (re)découvrir que le monumental Rieger si prisé de la Grande Salle Pierre Boulez n'est pas le seul instrument à tuyaux de l'avenue Jean Jaurès…
 

Aurélien Delage à l'Amphithéâtre © Nora Houguenade

Pour ouvrir le week-end, Un salon allemand à Paris fit un détour par la Cité de la Musique, où depuis 1994 trône dans l'Amphithéâtre un orgue d'esthétique baroque nord-allemande de Jean-François Dupont : 29 jeux sur deux claviers et pédale dans un lumineux buffet contemporain, et pas une ride en presque un quart de siècle. Le claveciniste, organiste et flûtiste (cela s'entend dans la conduite de la phrase) Aurélien Delage y fit sonner Haendel et Telemann (transcrit par Bach) : certes, à peine a-t-on levé les mains que le son n'est plus qu'un souvenir dans cette (belle) acoustique de salle – mais tant que l'orgue chante, quelle présence et quelle richesse harmonique ! Un authentique défi relevé de main de maître par le facteur. Deux merveilles du Musée de la Musique se partageaient ensuite un programme délicieusement constitué d'œuvres rares pour la plupart : François Couperin, Franz Xaver Beck, Johann Schobert et Johann Christian Bach sur un clavecin Jean-Claude Goujon (1749 ?) ravalé et augmenté (1784) par le parisien Jacques Joachim Swanen, témoignage des efforts désespérés du clavecin pour ne pas se laisser supplanter par le pianoforte et ses nuances dynamiques : « en agissant sur des genouillères, on actionne un mécanisme appelé jeu de diminuendo qui retire ou rajoute les registres dans un ordre défini » – l'effet est saisissant et source d'une intense surprise sur un instrument à cordes pincées.
 
Le plus insolite et attrayant fut toutefois le « pianoforte carré organisé » Érard de 1791 : parmi les témoins conservés, deux seulement, expliquait Aurélien Delage, sont en état de parler, celui du Musée parisien et un autre à Vienne. Il s'agit d'un pianoforte (à deux cordes par note ; jeu de luth ; jeu de tympanon par soulèvement des étouffoirs pour un étrange effet de résonance continue ; mise hors jeu du pianoforte) doublé d'un orgue (relevé en 2015 par Quentin Blumenroeder) de deux jeux et demi : bourdon 8' et flûte 4' en basses et dessus, dessus de flûte 8' – avec « soufflerie à lanterne » actionnée par le pied droit… Impossible d'en dire toutes les beautés et possibilités, d'une sonorité d'ensemble étonnamment présente aux timbres les plus cristallins – mais instrument de tous les dangers tant la double mécanique du clavier unique est sensible, entre les deux composantes de l'instrument.
 
Si d'aucuns jugent les Variations sur « Ah ! vous dirai-je maman » de Mozart redondantes, elles trouvèrent ici les moyens rêvés d'un constant renouvellement. Aurélien Delage y ajouta un Allegro di molto de Carl Philipp Emanuel Bach et six pages virtuoses, pétillantes de ludique invention, de ce Beck (1723-1809) qui lui tient tant à cœur, maître allemand installé à Bordeaux, grand port cosmopolite de l'époque : il vient de lui consacrer un CD (sorti en octobre chez Bayard Musique) gravé sur ces mêmes instruments du Musée de la Cité de la Musique – clavecin et piano organisé, mais aussi pianoforte Pascal-Joseph Taskin (Paris, 1788) et orgue de salon Jean-Baptiste Schweickart (Paris, 1784 – ce dernier présenté, entre autres instruments, le dimanche 26 lors d'un concert promenade au Musée, parallèlement à diverses manifestations destinées au jeune public) : un univers instrumental hors des sentiers battus d'une vivifiante poésie.
 

Détail de l'orgue Rieger de la Grande Salle de la Philharmonie de Paris © William Beaucardet

Côté symphonique, on redoutait de ne réentendre que les sempiternels Saint-Saëns et Poulenc, comme lors des festivités d'inauguration des orgues de la Philharmonie et de Radio France : on les aime infiniment, mais ils sont l'arbre qui cache la forêt (que l'on se rassure, on n'y a pas coupé et ils furent magnifiques). Par bonheur, d'emblée le « programme spatial » du vendredi soir fut autrement original. En première partie fut proposé, en création française, Multiversum de Péter Eötvös, Concerto pour orgue et orgue Hammond. Aux claviers du Rieger de la Salle Pierre Boulez : l'organiste lettone Iveta Apkalna, titulaire du Klais de l'Elbphilharmonie de Hambourg, à ceux de l'orgue Hammond le Hongrois et Grand Prix de Chartres László Fassang. Fasciné depuis toujours par l'espace, Péter Eötvös avait déjà composé Kosmos (1961/1999) ; « soudain, j'entendais dire que le cosmos n'était probablement pas le seul issu de notre univers, mais que plusieurs univers formaient un multivers, l'un à côté de l'autre… » – on renvoie volontiers à la note de programme (1) pour approfondir ces mystères insondables –, multivers suggéré et restitué non pas en scientifique mais bel et bien en musicien par le compositeur hongrois.
 
Composée en 2017, cette œuvre d'envergure (35') est de fait foisonnante sur le plan de l'écriture et de l'instrumentation, vertigineuse et à maints égards aussi envoûtante que complexe à cerner. À ceci près que l'orgue Hammond, savamment amplifié à travers la salle, couvrait littéralement l'orgue Rieger, comme registré en retrait : on croit savoir que le filage avec orchestre in situ fut certes des plus serrés – un tel décalage dynamique, avec pour résultante un déséquilibre des forces en présence, n'aurait-il pu être quand même immédiatement perçu et corrigé ? Au cœur d'un orchestre fastueusement déployé, on notait aussi la lumineuse présence du célesta, d'une résonance et d'une scintillance idéalement en situation.

Pascal Rophé © Marc Roger - OnPL

L'Orchestre, somptueux, était celui des Pays de la Loire dirigé par son directeur musical Pascal Rophé. Admirable dans Eötvös, il le fut peut-être plus encore dans Les Planètes de Gustav Holst, must symphonique composé un siècle plus tôt, doublé d'une projection sur écran géant : An HD Odyssey de Duncan Copp (2), spectaculaire navigation usant des technologies les plus sophistiquées de restitution numérique de notre système solaire. « Scientifique » par les moyens mis en œuvre, en collaboration avec la NASA, mais exempte de tout commentaire explicatif à l'écran, l'image, avant tout poétique, épousait la musique via son propre travail de recréation picturale – où Vénus explosait de couleurs vives façon Chagall, quand Jupiter évoquait teintes et textures opalescentes des traditions verrières Art nouveau. Pour Neptune, ultime planète de Holst, les voix de femmes (double chœur sans paroles) étaient celles du Forum National de la Musique de Wrocław. Le public fit un triomphe aux musiciens de l'Orchestre National des Pays de la Loire et à leur chef : assurément rien à envier aux plus prestigieuses formations de passage à la Philharmonie de Paris.
 
Le premier concert du samedi 25, orchestral en diable, montra comment le Rieger sait se passer d'orchestre. Le programme était ambitieux et pour partie bien connu. Baptiste-Florian Marle-Ouvrard ouvrit le feu avec la périlleuse transcription de L'Apprenti sorcier de Dukas concoctée par Lionel Rogg – BFMO l'avait jouée lors de son concert de prise de fonction à Saint-Eustache en mai 2015. Un tempo d'enfer, peut-être plus encore qu'à l'orchestre, quand mains et pieds (célèbres chaussettes volantes rouge vif !) ont tant à faire. Prodigieux d'instrumentation, de présence souple et acérée sur tous les fronts, jusqu'à la synchronisation ultra-parfaite de l'ultime coup d'éclat. Sur le vif, certains trouveront toujours telle microfaille, mais l'aventure prime, et l'engagement du musicien.
 
Suivirent de larges extraits du Songe d'une nuit d'été d'après la propre version pour piano à quatre mains de Mendelssohn, transposée et instrumentée par Olivier Vernet et Cédric Meckler – ils les ont enregistrés, avec la Marche des Elfes, il y a dix ans déjà à l'orgue Aubertin de Saint-Louis-en-l'Île (le dernier CD en date d'Olivier Vernet sortait officiellement le surlendemain : Sonate de Reubke à l'orgue Ladegast de la Nicolaikirche de Leipzig, la Sonate pour piano étant interprétée par Mūza Rubackytė). Évocation suggestive des timbres de l'orchestre dans la flamboyante Ouverture, du piano aérien, suprêmement délié et fantasque de Mendelssohn dans le Scherzo, rêveusement chambriste dans un Notturno à la noble élégance. Propulsée par un tempo extrême, pour mieux s'identifier à la musique de scène originale, la célébrissime Marche nuptiale, brillante et toute de bravoure, ne laissa toutefois guère au caractère cérémonieusement moqueur de cette marche-parodie le temps d'agir ou de vouloir tromper son monde.
 

Olivier Latry et Shin-Young Lee © Gil Lefauconnier

L'autre temps fort du concert était la version du Sacre du printemps, d'après celle à deux pianos de Stravinski, créée à Angers en 1999 par Olivier Latry et Yves Castagnet – redonnée en 2014 à Angers par Olivier Latry et Shin-Young Lee, puis à Notre-Dame de Paris en 2015 et pour l'inauguration du Grenzing de Radio France en 2016 (3). Tant le Rieger que l'acoustique de la salle se révélèrent absolument parfaits. Et comme pour l'ensemble de ce programme, la question – sans cesse reposée – n'était pas tant de savoir ce que la transcription apporte à l'œuvre originelle mais bien la viabilité de l'élargissement du répertoire de l'orgue qu'elle peut représenter. Ce qui dans le cas précis du Sacre pourrait naturellement faire défaut, plus encore sur la durée – mais cela vaut aussi pour l'orchestre – c'est tout simplement la danse.
 
Une œuvre hypnotique refermait ce concert, rare occasion de démultiplication des possibilités de jeu de l'instrument en réponse au défi de l'œuvre : le Boléro de Ravel – Shin-Young Lee et Baptiste-Florian Marle-Ouvrard à la console mobile, Olivier Vernet et Cédric Meckler à la console mécanique, avec aux percussions (caisse claire et timbales) Emmanuel Hollebeke et Nicolas Martynciow. Une longue montée de la tension, singulièrement compliquée par la différence de distance entre les deux consoles et l'orgue lui-même, d'où une difficulté redoutable en termes de synchronisation : l'expérience s'en trouva d'autant plus risquée et passionnante, le souffle suspendu… Frisson garanti !

Ariane Matiakh © Marco Borggreve
 
Pour le concert suivant, « Poulenc Story », il suffisait de traverser l'esplanade et de rejoindre un lieu sans doute peu connu du grand public : la salle d'orgue du Conservatoire de Paris. Celle-ci abrite depuis 1991 un grand instrument polyvalent de la maison Rieger (53 jeux sur trois claviers et pédale), remanié en 2002. Cordes et timbales de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse, sous la direction d'Ariane Matiakh, y entouraient Karol Mossakowski dans… le Concerto pour orgue en sol mineur de Poulenc, œuvre sobre et droite, mais d'une difficulté de mise en place redoutée car rien n'y pardonne. Dans cette salle de moyenne capacité (250 places) en forme de cône tronqué, l'expérience, non sans danger, s'est soldée par un complet et chaleureux succès, Karol Mossakowski ayant excellé dans cette partition d'une si grandiose concision, grave et émotionnellement envoûtante, remarquablement secondé par les musiciens de l'OSM.
 
Deux violons, alto et violoncelle furent rejoints par flûte, clarinette et basson ainsi que par le baryton Jean-Christophe Lanièce : Le Bestiaire, ou le Cortège d'Orphée, six miniatures de Poulenc sur des poèmes d'Apollinaire sobrement et spirituellement servies par la voix claire du soliste, d'une parfaite diction, sans le moindre effet pour souligner cet esprit qui se doit d'aller de soi. L'élégance dans la plus pure économie : Poulenc, comme pour le Concerto, n'aurait pu que se réjouir. Clarinette et basson – Manuel Poultier et Guillaume Bidar – demeurèrent pour l'extravagante Sonate de 1925, feu d'artifice d'une ébouriffante exigence instrumentale. Un tour de force, mais vigoureusement musical. La seconde partie du concert était dédiée au Concerto non pas champêtre de Poulenc mais de Manuel de Falla (1923-1926), avec flûte, hautbois, clarinette, violon et violoncelle – tous magnifiquement sonores, souples et investis. Hélas !, en lieu et place d'un indispensable grand clavecin « ferraillant » façon Pleyel de Landowska, dédicataire et créatrice de l'œuvre, l'excellente (on ne peut que le croire, faute d'avoir tout perçu) Constance Taillard n'eut à se mettre sous les doigts qu'un superbe clavecin de continuo baroque. D'autant plus dommage que l'entente chambriste respirait la vie et l'harmonie.

Karol Mossakowski © Vaiva Wronecka

Après Poulenc, le concert du soir invitait à la découverte d'un répertoire en constante expansion, avec en première partie le Concerto pour orgue et orchestre d'Éric Tanguy (4), créé à Saint-Pierre de Caen en 2013 par Stéphane Béchy, son dédicataire – à la console mobile du Rieger de la Grande Salle : Olivier Latry. Dense et virtuose, tant pour le soliste (cadence du premier mouvement !) que pour l'orchestre, puissamment nerveux et volubile et néanmoins d'une « compacité » tenant à l'abondance de matériaux simultanément mis en œuvre, ce Concerto est à sa manière le contraire de celui donné le lendemain en création. On le reçut tel un bloc, massif et stratifié bien que sillonné de mille veines, somme non ouvertement discursive obligeant presque l'auditeur à un rapport frontal. Étonnant, et naturellement à réécouter dès que l'occasion s'en présentera – pas d'enregistrement à ce jour.
 
La machine à remonter le temps offrit dans la foulée la première œuvre orchestrale d'un Messiaen de vingt-deux ans : Les Offrandes oubliées (1930). Douze minutes de pure magie des sons (où déjà la couleur spécifique du compositeur resplendit), en particulier l'ultime section de cette « méditation symphonique », dévolue aux seules cordes aiguës, sur le fil du rasoir jusqu'au vertige. L'autre protagoniste de la soirée, dans une forme exaltante, était l'Orchestre National de Lille sous la direction de son chef – depuis septembre 2016 – Alexandre Bloch : la prestation du pupitre des cordes, récemment et sensiblement renouvelé, fut confondante d'immatérielle maîtrise, offrant au public médusé un réel moment d'extase.
 

Alexandre Bloch © Laura Baker

La seconde partie de soirée était consacrée à l'autre pilier du répertoire français : la Symphonie avec orgue de Saint-Saëns, dont on ne saurait sincèrement se lasser dès lors qu'elle est jouée avec autant de distinction que de panache, comme sous la baguette magnifiquement stylée d'Alexandre Bloch – l'Orchestre de Lille avait donné ce même programme les deux soirs précédents à l'Auditorium du Siècle, dépourvu d'orgue : Olivier Latry jouait en duplex depuis la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille, où se trouve l'ancien orgue du Studio 104 de Radio France (5), intense préparation pour le concert parisien. Saint-Saëns se voulait le plus classique, mozartien ou presque, des postromantiques modernes. À l'instar de la Symphonie de Franck ou celles de Tchaïkovski qui s'en trouvent vulgarisées, cette œuvre géniale d'inventivité et de souffle constant ne redoute rien tant que la saturation des cuivres, sans brider le moins du monde un orchestre monumental. Ce subtil et vital équilibre fut remarquable de franchise et d'éclat, magnifiant la veine mélodique que l'on sait. Et le triomphe à la hauteur de celui de la veille – et du lendemain –, l'œuvre semblant trop brève pour un public aux anges qui n'aurait rien eu contre un bis intégral…

Michel Bouvard et Constance Taillard © Nora Houguenade

Les deux concerts du dimanche après-midi offrirent un ultime grand écart. Le premier avait pour cadre le Studio de la Philharmonie, grande et lumineuse salle où étaient disposés deux orgues positifs Dominique Thomas (quelque peu aigrelets pour les 2 pieds, mais d'autant mieux audibles), déplacés au gré des pièces. L'Orchestre de Mulhouse entendu la veille au CNSM offrit deux Symphonies pour cordes d'un Mendelssohn incroyablement doué à douze (n°1) et carrément génial à quatorze ans (n°12 – la Fugue est stupéfiante d'audace), œuvres aussi juvéniles qu'abouties servies par des cordes incisives et lyriques, en phase avec le style du temps. Lequel fut quelque peu en décalage pour le reste du programme, coups d'archet et articulation notamment. Michel Bouvard n'eut d'autre choix que de se lancer à corps perdu dans le Concerto pour orgue op. 4 n°4 de Haendel : sur un clavier dont le moindre souffle suffit presque à actionner les touches, les doigts courent sur de la braise. Qu'importent de possibles accidents (on ne peut plus minimes), tout esprit de précaution ne serait que musicalement contreproductif. Verve et chant, délicatement orné, énergie et ampleur de l'écriture ne pouvaient qu'y gagner. Une seconde œuvre, nullement plus aisée mais globalement moins exposée, permit de réentendre Constance Taillard : Concerto pour deux clavecins BWV 1060 de Bach adaptés pour deux orgues : rythme et vive plénitude.
 

Leonard Slatkin

Leonard Slatkin © Steve J. Sherman

L'Orchestre National de Lyon et son directeur musical honoraire Leonard Slatkin étaient les protagonistes de l'ultime concert de ce week-end mirifique. Le programme respirait l'équilibre, chaque partie étant introduite par une illustre Pavane : celle de Ravel en guise de merveilleux sas d'entrée dans l'atmosphère du concert, par le biais du raffinement le plus subtil qui soit ; celle de Fauré dans sa version avec chœur (1888). Critiquer, non sans raison, le texte précieux de Robert de Montesquiou revient souvent à ne plus la programmer. La présence d'un chœur pour l'œuvre refermant le concert justifiait sans peine le choix de cette version au charme aimablement suranné. C'est Lindor ! c'est Tircis ! Et c'est tous nos vainqueurs !
 
Contrastant avec Ravel sans se départir d'un vif et indéniable esprit français, le moment très attendu était la création européenne du Concerto pour orgue et orchestre n°3 de Thierry Escaich : « Quatre Visages du temps », commande de l'Orchestre National de Lyon – auprès duquel il fut compositeur en résidence – et de l'American Guild of Organists créée le 18 juillet à Kanazawa (Japon). Si le Concerto d'Éric Tanguy peut être perçu tel un bloc, celui de Thierry Escaich, qui réalise la prouesse d'un profond renouvellement sans reniement aucun, est un prodige de narration qui emporte l'auditeur, au gré de trouvailles formelles et instrumentales agissant tel un constant aiguillon, dans un périple puisant avec esprit et une intense créativité aux sources de la musique aussi bien baroque que romantique et moderne, tel l'aboutissement d'un parcours personnel et collectif.
 
L'autre prouesse consiste à faire d'une œuvre aussi incontestablement savante et ardue sur le plan de son interprétation un chef-d'œuvre d'aujourd'hui à même d'enthousiasmer le public. Bien que de plus grande ampleur et faisant appel à un orchestre complet, ce Troisième d'Escaich a tout pour devenir l'équivalent de celui de Poulenc en cette première moitié du XXIe siècle. Rappelons que Thierry Escaich, invité d'honneur du Festival Présences 2018 de Radio France, outre La Barque solaire pour orgue principal et orchestre (9 février) – concert au programme duquel est inscrite la création mondiale de son Concerto pour piano et orchestre, avec en soliste Jean-Frédéric Neuburger –, jouera son Concerto n°2 pour orgue, orchestre à cordes et percussion lors du concert de clôture du 11 février.

Nicole Corti © Guillaume Ducreux

L'ultime œuvre de cette souple et riche programmation de la Philharmonie fit le lien entre Thierry Escaich et l'une des sources de son art et de son métier : Requiem de Maurice Duruflé, son prédécesseur à Saint-Étienne-du-Mont, dans sa version pour grand orchestre de 1947, le rôle de l'orgue demeurant indissociable du climat général. À l'Orchestre de Lyon étaient associés le chœur de chambre Spirito – basé à Lyon et qui résulte de la fusion des Chœurs et Solistes de Lyon de Bernard Tétu et du Chœur Britten de Nicole Corti – et le Jeune Chœur symphonique, concrétisation du travail pédagogique mené par Spirito. Duruflé répondit par l'ampleur, la spiritualité et la qualité du style au Saint-Saëns de la veille – souligner jusqu'au plein épanouissement sans jamais surligner.
 
Une apothéose digne d'un week-end d'exception et qui enfonce le clou : pour ce qui est de l'orgue à la Philharmonie, nous avons mangé notre pain blanc pour l'année, ou peu s'en faut : Vincent Warnier, cotitulaire de Thierry Escaich à la tribune des Duruflé, contribuera à l'hommage à Olivier Messiaen du dimanche 18 mars 2018 en interprétant, pas moins, l'intégrale du redoutable Livre d'orgue (6).
 
Michel Roubinet

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(1) philharmoniedeparis.fr/sites/default/files/documents/npgs-les_planetes_web.pdf
 
(2) www.opus3artists.com/artists/the-planets-an-hd-odyssey
 
(3) www.concertclassic.com/article/stravinski-notre-dame-de-paris-quand-la-messe-repond-le-sacre-compte-rendu
www.concertclassic.com/article/inauguration-officielle-de-lorgue-grenzing-de-radio-france-un-succes-public-plus-que
 
(4) Éric Tanguy à propos de son Concerto pour orgue
https://erictanguy.wordpress.com/media/
 
(5) www.francemusique.fr/actualite-musicale/duplex-inedit-entre-l-organiste-olivier-latry-et-l-orchestre-national-de-lille-38732
www.lavoixdunord.fr/268533/article/2017-11-23/l-onl-experimente-le-duplex-pour-orchestres-en-fete#
 
(6) philharmoniedeparis.fr/fr/activite/recital-orgue/18211-hommage-olivier-messiaen

Week-end Orchestres en Fête : Orgue, en partenariat avec l'association Orgue en France - Paris, Philharmonie, les 24, 25 et 26 novembre 2017 /philharmoniedeparis.fr/fr/programmation/les-week-ends-thematiques/week-end-orchestres-en-fete-orgue

 
 Photo : détail de l'orgue Rieger de la Grande Salle de la Philharmonie de Paris © William Beaucardet

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