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Festival Berlioz de la Côte-Saint-André - Antonacci, poignante Cléopâtre - Compte rendu

Banquet sarde avec cochon de lait rôti en ouverture, bardes et musiques traditionnelles pour faire dialoguer musiques populaires et savantes autour d'un verre après les concerts, Bruno Messina (par ailleurs professeur d'ethnomusicologie au Conservatoire de Paris), profite d'une édition placée sous le signe de l'Italie pour redessiner les contours du festival Berlioz. Sans aucun esprit de chapelle, il accueillait aussi bien cette année une création française d'Ennio Morricone (Jerusalem) que le premier concert à l'alto de Renaud Capuçon, poursuivant son ambition d'infatigable défricheur de curiosités musicales.

Il n'en oubliait pourtant pas les fondamentaux avec un « Tutto Berlioz » porté par un Orchestre national de Lille en pleine forme. Grand habitué des lieux, Jean-Claude Casadesus interprète la Symphonie fantastique, ouvrage dont il est on ne peut plus familier. Un véritable traité d'orchestration dont on perçoit toutes les nuances sous sa direction, jamais dans les effets gratuits mais chatoyante à souhait, faisant place aux échos intimes de cette oeuvre programmatique avec une intense poésie aussi bien qu'à la verve d'un bal endiablé, porté par des cordes étourdissantes.

En complément de programme, remplaçant au pied levé Marie-Claude Chappuis dans les Nuits d'été, la jeune mezzo Isabelle Druet soignait son propos, aussi subtile que théâtrale, même si sa voix, sans doute du fait d'une prise de rôle impromptue, manquait encore d’un peu de volume et d'assurance.

Pas de souci de ce côté-là pour Anna Caterina Antonacci (photo), reine de l'incarnation qui après avoir été une Cassandre d'anthologie continue d’approfondir avec une diction parfaite le répertoire berliozien. La redoutable scène lyrique de Cléopâtre qui valut à l'Isérois d'être une troisième fois recalé au Prix de Rome en 1829 lui fournit une nouvelle occasion de démontrer toute sa superbe. Accompagnée par l'Orchestre national de Lorraine conduit par la baguette précise de Jacques Mercier, elle est aussi à l'aise pour déclamer le parlé-chanté du poème de Pierre-Ange Veillard que pour fulminer contre les accents tragiques des basses qui la conduisent au supplice ; elle nous tire des larmes en regrettant « Qu'ils sont loin ces jours », avant de chuchoter in fine le nom de César comme une revanche. Du grand théâtre pour une musique qu'on entend rarement, tout comme la Symphonie « Urbs Roma » de Saint-Saëns, petite confiserie soyeuse et sucrée qui venait conclure en guise de dessert deux belles soirées musicales.

Luc Hernandez

Festival Berlioz, La Côte-Saint-André, les 23 et 31 août 2012

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Photo : Serge Derossi / Naïve
 

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