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Festival Beethoven à Bonn - La musique en marche - Compte-rendu

« Avec Beethoven, nous sommes sûrs qu’aucun paramètre douteux ne ternit l’image de cette énergie pure dégagée par sa personnalité et sa musique. Ne pas perdre la tradition, comme nous continuons de l’honorer autour de lui, nous autorise à aller toujours de l’avant. Il y a tant d’angles dans sa musique. D’où la présence de John Cage dans nos programmes, pour le centenaire de sa naissance, outre les grands du XXe siècle comme Schoenberg avec les Gurreliederet Hindemith, pour ses Trois pièces en un acte - inspirées du Trittico puccinien. Avec un accent sur la venue de jeunes formations internationales, et une importante participation d’étudiants et d’enfants dans diverses de nos manifestations éducatives ou autres. » .

C’est la belle directrice artistique du Festival de Bonn, Ilona Schmiel (photo), qui donne depuis 2004 une énergie renouvelée à ce grand Festival, insuffisamment populaire outre-Rhin. Schmiel, qui fut auparavant directrice de la salle de concerts de Brême, est depuis toujours une pasionaria du Sistema vénézuélien, dont elle invite régulièrement les formations : Dudamel y vint dès 2004, et on découvre cette année la troisième génération avec les chefs Dietrich Parede, Jesus Uzcategui et Andrès Riva à la tête du Youth Orchestra of Caracas. Même invitation majeure, celle du Turkish national Youth Philharmonic Orchestra, sous la direction de Cem Mansur. La directrice, éprise de vérité artistique et d’honnêteté fondamentale, brandit en étendard la phrase de Beethoven : « L’art véritable a son propre esprit ».

Pendant un mois, sans discontinuer, d’immenses musiciens se succèdent, de Esa-Pekka Salonen qui fait cette année sa première apparition à Bonn, au Quatuor Borodine, à Andris Nelsons, Paavo Jarvi et Herbert Blomstedt, Tugan Sokhiev, Jukka-Pekka Saraste, Emmanuel Krivine, outre des lectures, des ateliers, des expositions comme celle présentée dans la maison de Beethoven sur Schoenberg : au fil de textes et de lettres on y lit son admiration et sa reconnaissance à Beethoven, notamment pour son art de la variation et du changement de ton.

De lui, le Festival a présenté les rares Gurrelieder, joués avec de très belles cordes par la Philharmonie tchèque, et dirigés avec une frénésie passionnée par le chef Stephan Blunier, peu connu en France mais très aimé dans sa Suisse d’origine, et directeur de la musique à Bonn. Malgré l’acoustique réverbérante du Beethovenhall, - que la ville ambitionne de doubler, mais les crédits sont hélas de plus en plus hypothétiques de la part des autorités, tandis que les sponsors continuent de répondre présents -, ce fascinant adieu au XIXe siècle, au romantisme des légendes nordiques et au chromatisme wagnérien, d’une emphase désespérée qui repose sur tant de strates historiques et musicales, a permis de savourer jusqu’à l’écoeurement les leitmotive répétés par un orchestre démesuré. Et de découvrir des chanteuses exceptionnelles, elles aussi peu connues, comme Christiane Iven en Tove, et la croate Dubravka Musovic, poussant la plainte du ramier avec la même violence tordue que la bouche du Cri peint par Edvard Munch. Hasard fâcheux, la seule star en présence, le ténor Jon Villars, en méforme, n’avait cette fois pour en imposer que sa taille et son format mythologiques.

Symphonies dirigées par Salonen (jusqu’au 6 octobre) aux Quatuors interprétés par les Borodine, et sous les doigts du pourtant très discret Andras Schiff, qui étale ici sur deux ans une intégrale des Sonates : mozartiennes, haydéniennes ou emblématiques du plus grand Beethoven comme le Clair de lune, elles ont montré combien leur fréquentation avait été salutaire au pianiste hongrois, lequel, en mûrissant, est devenu resserré, intense dans l’économie des manières et l’équilibre des volumes.

De Schoenberg à Beethoven, il n’y eut qu’un siècle d’écart, mais si peu dans la démarche radicale : la poursuite d’intégrales consacrées au génie de la ville l’a encore montré, des Symphonies dirigées par Salonen (jusqu’au 6 octobre) aux Quatuors interprétés par les Borodine, et sous les doigts du pourtant très discret Andras Schiff, qui étale ici sur deux ans une intégrale des 32 Sonates. Les nos 11, 12, 13, 14, 15, 19 et 20 ont montré combien leur fréquentation avait été salutaire au jeu du pianiste hongrois, lequel, en mûrissant, est devenu resserré, intense dans l’économie du geste et l’équilibre des volumes, tout en laissant à la musique le temps de respirer. Un Beethoven intimiste, aux multiples changements d’humeur, conté au chevet du public, lequel a fait un standing ovation à ce pianiste si éloigné des exploits virtuoses. Et à Bonn, on peut penser que l’assistance connaît son Beethoven sur le bout des doigts, même si elle tousse comme partout ailleurs !

Jacqueline Thuilleux

Beethovenfest Bonn, 28 et 29 octobre 2012. Le Festival se poursuit jusqu’au 7 octobre, rens. : www.beethovenfest.de

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Photo : DR
 

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