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Faust à l’Opéra de Massy - Adapté et exigeant - Compte-rendu

L’Opéra de Massy, qui porte vaillamment la parole lyrique en banlieue de Paris avec une programmation toujours alléchante, affiche complet pour Faust. Tant il est vrai que cette production serait apte à faire concurrence aux plus prestigieuses scènes lyriques. Elle a été créée en juin dernier à l’Opéra d’Avignon, mais la reprise à Massy prend un caractère affirmé, avec une distribution renouvelée, comportant des prises de rôle attendues, accompagnée des forces musicales régionales parisiennes.

© Daniel Malherbe
 
C’est ainsi que l’inusable opéra de Gounod bénéficie d’un plateau vocal entièrement francophone, dans une parfaite et rafraîchissante élocution ; qui nous venge des mâchouillis entendus trop souvent dans les grandes maisons lyriques et ne nous épargne pas certaines perles croustillantes du texte : « Je t’adore ! Pour toi je veux mourir ! », « Félicité du ciel ! Fuyons ! »… À cet égard, d’entrée, Antoine Normand délivre un Vieux Faust clair et articulé, joliment timbré. Quel plaisir ! Puisque Vieux et Jeune Faust, il y a. Ce dernier revient, ensuite, à Thomas Bettinger, une prise de rôle réservée à Massy, avec une ardeur sans faillir et de beaux élans, en dépit d’aigus parfois grippés en voix de tête. Autre prise de rôle, Marguerite servie par Ludivine Gombert, que l’on entend peu à Paris mais beaucoup en province, dans une ligne de chant éblouissante. Désormais une interprète de la Marguerite de Gounod avec laquelle il faudra compter. Le Méphistophélès de Jérôme Varnier témoigne d’une belle endurance, avec des emportements caverneux qui compensent certaines notes arrachées. Le Siebel ténor, quand on attendrait un mezzo travesti, ne dépare pas avec le chant affirmé de Samy Camps. Régis Mengus délivre pour sa part un Valentin soutenu, face à la Dame Marthe quelque peu flottante et « un peu mûre » (comme il sied) de Jeanne-Marie Lévy.

© Daniel Pépin
 
Le chœur fourni, constitué du Chœur de l’Opéra de Massy complété de celui de l’Opéra d’Avignon, met quelques instants avant de trouver sa mesure, avec quelques primes décalages d’alternance des pupitres, pour ensuite donner pleinement de la voix homogène. L’orchestre, celui National d’Île-de-France, s’exprime d’emblée intense (cette ouverture profonde), pour persévérer démultiplié entre emportements et subtilités. Tous soulevés qu’ils sont par la direction enflammée de Cyril Diederich ; qui fait justice des mélodies inspirées de Gounod, menant ses troupes dans une tension sans relâche, ni même pour laisser place aux applaudissements, au long de cet exigeant Faust version longue (hors l’assez inutile ballet).
 
De son côté, la mise en scène de Nadine Duffaut vise juste, dans une conception sans insistance, qui évite les pièges du livret, une actualisation sans excès (Faust et Méphisto en jeans, treillis pour la soldatesque), des mouvements constants (ponctués d’acrobaties savoureuses) et ce qu’il faut d’évocation au sein d’un décor de salon ou de chambre où trône un gigantesque prie-Dieu. Les personnages s’y coulent avec délices, sans forcer la dose mais avec crédibilité, sous des éclairages appropriés. Et dans l’acoustique directe de l’Opéra de Massy, les trois heures de la soirée filent d’un trait.
 
Pierre-René Serna

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Gounod : Faust – Opéra de Massy, 10 novembre ; prochaine représentation : 12 novembre 2017 (à 16h).
Reprises du spectacle : Opéra de Reims, 12 et 14 octobre 2018 ; Opéra de Metz, 19, 21 et 23 octobre 2018 ; Opéra de Marseille, 10, 13, 16, 19 et 21 février 2019 ; Opéra de Nice, mai 2019.

Photo © Daniel Malherbe

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