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Falstaff à Toulouse - Alessandro Corbelli à son meilleur - Compte-rendu

En ces temps de grande morosité et d'extrême incertitude, l'opéra demeure plus que jamais une valeur refuge, surtout quand il divertit aussi noblement que Falstaff, dernière facétie musicale composée par Verdi. Certes nous aurions aimé assister à un spectacle plus décapant et porteur d'un message plus poussé que cette pâle et illustrative mise en place, dont la scénographie manquait de faste malgré ses nombreux et respectueux décors, mais ne soyons pas grincheux ! La crise est partout et l'on peut comprendre aisément la décision prise par le directeur du Capitole d'avoir eu recours une nouvelle fois à la vieille production de Nicolas Joel et d’avoir ainsi réalisé quelques économies.

Créée en 1991 et plusieurs fois reprises, cette mise en scène peu coûteuse a permis de ne pas lésiner sur le plateau qui, sans rivaliser avec le Met, Vienne ou Zürich, tenait son rang. Baryton comme on en fait plus aujourd'hui, Alessandro Corbelli, au sommet de son art, se révèle un Falstaff de grande classe. Vieillard espiègle, toujours prompt à échafauder de nouvelles farces, même s'il en subodore à l'avance l'inévitable issue. Positif en toutes circonstance, cet adepte de la bonne chère et des jolies femmes dispose qui plus est, d'un chant diablement en place, d'une diction exemplaire, d'un volume et d'une vélocité qui font défaut à tant d'artistes « réputés ». Corbelli, musicien autant qu'acteur ne laisse aucun sous-entendu de côté : avec lui l'inénarrable pancione se fait philosophe et l'on ne peut qu'adhérer sans réserve à ses réflexions finales sur le monde qui l'entoure : « C'est moi qui vous faits rusés. Mon esprit en donne à autrui. »

A ses côtés Ludovic Tézier investit le rôle de Ford avec une sûreté musicale et un goût qui n'appartiennent qu'à lui, baryton à l'élégance suprême et au style irréprochable. Joli Fenton du juvénile ténor Joel Prieto, amusant Docteur Caïus de Gregory Bonfatti, grossièrement entourés par Emanuele Giannino (Bardolfo) et Diogenes Randes (Pistola). Radieuse pour son retour sur les planches après un retrait dû à des ennuis de santé, Soile Isokoski prend un plaisir évident à chanter Alice, maîtresse femme au charme ravageur, toujours prête à défier le destin, où les hommes. Dans son giron Enkelejda Skhosa est une honorable Meg et Adriana Kucerova (future Alice comme sa voix semble le prédire) une Nanetta presque trop mature pour ce rôle délicat et aérien, Janina Baechle gonflant sa voix aux registres épars pour donner du coffre à sa Quickly.

Si l'on oubliera vite le jeu lourdement souligné et des scènes de foule sans attrait particulier, on gardera en mémoire la direction enlevée et précise de Daniele Gallegari, passé maître dans l'art du discours volubile, de la légèreté et du chic expérimentés par Verdi au soir de sa vie.

François Lesueur

Verdi : Falstaff – Toulouse, Théâtre du Capitole, le 9 décembre, dernière représentation le 13 décembre 2011.

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Photo : Patrice Nin
 

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