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Einstein on the Beach au Châtelet - Phil et Bob sont de retour - Compte-rendu

Le Châtelet, associé au Festival d’Automne, fait événement pour ce début d’année : Einstein on the Beach remplit jusqu’au dernier strapontin du théâtre, alors que sur le trottoir les affichettes “ cherche une place ” se bousculent. On a échappé de peu à l’émeute… Car c’est un ouvrage mythique, “ culte ” comme dirait notre langage actuel. On le sait. Depuis certain beau soir de 1976 à Avignon, l’opéra, puisqu’ainsi s’intitule sans trop d’abus la pièce de Philip Glass et Robert Wilson, avec son texte déclamé et chanté en onomatopées, n’a cessé de faire référence à travers différents points de la planète théâtrale. Sa dernière reprise en France date de 1992 à la MC93 de Bobigny, où nous l’avions vu avec un temps de retard.

Le temps a donc passé. Mais l’œuvre ne s’en ressent guère. Mieux, nous serions tenté de penser qu’elle n’a jamais si bien vieilli ! De notre souvenir lointain de 1992, reste une vague impression de soirée assommante. Désormais, au Châtelet, c’est un sentiment de beauté générale qui émane. On peut changer d’avis… Y compris pour la musique de Glass, dans cette fameuse esthétique répétitive dont on a pu lui faire grief (d’autant que depuis lors, le compositeur a prouvé par ailleurs la diversité de son talent), mais devenue incantatoire et qui recèle des vertus insoupçonnées. Surtout pour les passages vocaux, fermement et ardemment écrits. Le sommet à cet égard revient à l’Intermède 3, dans une polyphonie chorale d’une virtuosité confondante. La conception de Wilson, dont on n’ignore rien de la science à travers une trentaine de productions lyriques tout aussi raffinées et abouties, porte les caractères de son signataire : des lumières crûment magnifiques (dues à Urs Schönebaum), une gestuelle au millimètre, des poses hiératiques, un ordonnancement quasi militaire dans sa rigueur d’automates. Le tout, et ses quatre heures dix de représentation (sans entracte !), tient du cérémonial, de l’office initiatique, d’une communion collective, pour peu alors qu’on y entre sans trop de réserves.

Il y aurait bien quelques passages à vide : comme les longs solos de saxophone (façon free jazz, soufflé par Andrew Sterman), de synthétiseur (à la manière d’improvisations pour orgue de César Franck) et de la soprano (Hai-Ting Chinn, dans des couleurs à la Poulenc), sans autre décor qu’une barre lumineuse ; ou les deux scènes réservées au ballet, le point faible du spectacle, dans la chorégraphie de Lucinda Childs (qui, elle, a bien vieilli avec ses danses tournoyantes mille fois vues par ailleurs). Mais on garde gravées, entre autres, les images des deux splendides scènes du “ Procès ” ou de celle de la “ Space machine ” finale, soutenue par son chœur impressionnant à travers le clignotement de mille ampoules.

Puisqu’il s’agit d’un travail éminemment léché, depuis les choristes, les musiciens du Philip Glass Ensemble, sous la direction de Michael Riesman, et chacun des intervenants, comédien, chanteur, figurant ou danseur. Tant il serait difficile de faire la part, entre des participants qui se mêlent, et une combinaison de fils indémaillable.

Pierre-René Serna

Glass/Wilson : Einstein on the Beach – Paris, Châtelet, 8 janvier, prochaines représentations les 10, 11 et 12 janvier 2014

L'intégralité du spectacle présenté au Châtelet est accessible gratuitement sur Culturebox : http://culturebox.francetvinfo.fr/einstein-on-the-beach-au-theatre-du-chatelet-146813

Photo ©

 

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