Journal

Création du Magnificat d’Yves Castagnet – Par et pour Notre-Dame – Compte rendu

 
Dix mois après la réouverture de Notre-Dame et la reprise des rendez-vous musicaux hebdomadaires, le succès phénoménal des concerts et auditions d’orgue (celles-ci de nouveau programmées le dimanche à 16 heures) ne connaît aucun fléchissement, stimulé par une programmation plus diversifiée que jamais et rehaussée, tout au long de cette double saison 2024-2026, de commandes et créations d’envergure. Si le monumental Te Deum de Thierry Escaich (1) célébrait en juin les six premiers mois de la vie retrouvée de Notre-Dame de Paris, la saison 2025-2026 s’est ouverte symboliquement – l’offre musicale étant en fait ininterrompue sur l’ensemble de l’année, mois d’été compris – avec la création mondiale très attendue du Magnificat d’Yves Castagnet.(photo)

 

 
Une vaste progression dynamique et poétique
 
Le cas de figure est singulier puisque l’œuvre, non encore créée, était disponible à travers l’enregistrement réalisé en mai 2022 par la Maîtrise Notre-Dame de Paris en la basilique Sainte-Clotilde, publié par Warner Classics en novembre 2024. À ce « Disque officiel de la réouverture de Notre-Dame de Paris » est venu s’ajouter, début septembre 2025, le premier et remarquable enregistrement du grand orgue restauré, également chez Warner, honneur dévolu à Vincent Dubois : Eternal Notre-Dame (2). Vincent Dubois donnera en partie le programme de cet album lors de son récital du 6 janvier 2026.
 
Donné à guichets fermés comme toutes les prestations de la Maîtrise, ce concert était entièrement dédié à la musique d’Yves Castagnet, lui-même étant aux claviers du grand orgue. Disposés en fond de nef, sous la tribune, emplacement acoustiquement plus favorable que la croisée du transept, préparés par Émilie Fleury et Henri Chalet, ce dernier les dirigeant tous avec son habituelle et souple énergie si communicative, Chœur d’enfants (uniquement dans le Magnificat), Jeune Ensemble et Chœur d’adultes firent entendre l’intégralité du programme du CD, vaste progression dynamique et poétique.

 

© Liam Hoarau / Dylan Guidez

 
Un traitement musical à chaque fois repensé
 
Tout d’abord les Trois Psaumes de 1996 (Psaumes 26 et 18) et 2011 (Psaume 115), solidement ancrés dans le répertoire de la Maîtrise, pour voix d’hommes, puis voix de femmes, enfin chœur mixte – à la diversité de la configuration vocale et des climats en découlant répond un traitement musical chaque fois repensé. Cette triple préparation conduisait à l’œuvre phare du concert, à ce jour la plus importante et la plus développée (43’) d’Yves Castagnet : son Magnificat composé en 2020, un an après l’incendie de Notre-Dame et en plein confinement, occasion de mettre noir sur blanc un projet qui l’habitait depuis des décennies, lui qui chaque jour, lors des offices à Notre-Dame, accompagne le chant du Magnificat.

 

© Liam Hoarau / Dylan Guidez

 
Une réponse à l’identité de la Maîtrise
 
Ainsi que le soulignait en début de soirée le recteur de la cathédrale, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, Yves Castagnet officie depuis 37 ans à l’orgue de chœur, jouant par ailleurs un rôle de premier plan dans la formation des jeunes chanteurs. De toutes les œuvres commandées par Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris et/ou créées en la cathédrale, nul doute que celle d’Yves Castagnet répond comme aucune autre à l’identité même de la Maîtrise, ainsi que des lieux – la voix de la cathédrale. Le partage constant de la musique avec les choristes lui a donné au fil du temps une connaissance et une compréhension sans pareilles des possibilités inhérentes aux composantes de la Maîtrise ; dans le même temps, lui-même organiste et concertiste virtuose, Castagnet concevait une intense partie d’orgue idéalement pensée pour l’instrument, l’acoustique, l’esprit de Notre-Dame.
 
Aux chœurs répondent quatre solistes – lors de la création : la soprano Rebecca Moeller (Thaïs Raï-Westphal sur le CD), premier solo du Magnificat selon Castagnet dont la beauté expressive, mais aussi de ligne et de souffle, témoigne grandement de la qualité de l’écriture vocale du compositeur ; Anouk Defontenay, imposante alto alliant à la perfection puissance et sensibilité ; Jordan Mouaïssia, ténor d’une prestance et d’une vaillance vocale impressionnantes et séduisantes ; enfin Carlos Arturo Builes Vélez, basse d’un moindre impact vocal mais musicalement investi – ces trois derniers ont participé à l’enregistrement de 2022. À l’issue de l’irrésistible et saisissante envolée de l’ultime Amen, les acclamations du public et peut-être plus encore celles, joyeuses et reconnaissantes, des chanteurs à l’adresse d’Yves Castagnet, manifestement ému, firent ressentir à quel point cette œuvre magnifique, inspirée par et pensée pour Notre-Dame, a trouvé son lieu d’élection.
 
Michel Roubinet 
 

 
Paris, cathédrale Notre-Dame, 30 septembre 2025
musique-sacree-notredamedeparis.fr/boutique/concert/25-26/magnificat-castagnet/
 
 
(1) Création du Te Deum de Thierry Escaich
www.concertclassic.com/article/creation-mondiale-du-te-deum-pour-notre-dame-de-thierry-escaich-pour-la-cathedrale-miraculee
 
(2) Magnificat et Trois Psaumes d’Yves Castagnet (Warner Classics)
orgues-nouvelles.org/yves-castagnet/
 
Vincent Dubois à l’orgue restauré de Notre-Dame (Warner Classics)
orgues-nouvelles.org/vincent-dubois/
 
 
Photo © Liam Hoarau / Dylan Guidez

Partager par emailImprimer

Derniers articles