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Concert Pauline Viardot à l’Opéra-Comique – Viardot côté compositrice

2021 est aussi une année Pauline Viardot ! Le bicentenaire de la naissance de l’artiste a donné l’occasion à l’Opéra-Comique de la mettre à l’honneur au cours d’une journée organisée avec le Centre Européen de Musique (CEM) – dont les bâtiments sont actuellement en construction à Bougival, tout près de la villa de la cantatrice et de la maison de Georges Bizet –, l’Académie de Paris et la Fondation Hippocrène.
 On se souvient plus de Pauline Viardot comme cantatrice ou pédagogue que comme compositrice, aspect pourtant très séduisant de sa riche et longue existence (1821-1910). La journée Viardot au Comique avait justement pour objet de le mettre en valeur et, dans la foulée d’un colloque « Pauline Viardot, la compositrice » et d’une masterclass avec Dame Felicity Lott, l’hommage s’est achevé par un concert propre à ravir les curieux.
Après une introduction passionnée de Jorge Chaminé – sans l’enthousiasme duquel le CEM de Bougival (1) n’aurait jamais vu le jour – la musique prend ses droits, d’abord avec Felicity Lott (Jacqueline Bourgès-Maunoury est au piano) dans « L’amour est un oiseau rebelle » (tiré de l'opérette Passionnément de Messager) et Haï Lu-Li de Viardot : un prélude plein charme à une soirée mêlant de façon équilibrée mélodies et pages instrumentales.
 
Séguidille des petits officiers, Fandango du diable, Duo à la hongroise
 : Natalia Labourdette (sopr.), Helena Ressurreição (mezzo) et Francisco Soriano (piano) ouvrent avec ardeur et caractère un programme au cours duquel on découvrira par la suite d’autres mélodies. Marine Fribourg (mezzo), portée par le piano de Flore Merlin, traduit avec autant de tact la fraîcheur de Nixe Binsefusss que les sentiments plus douloureux de Caña española et d’Evocation. Ce sens des caractères n’appartient pas moins à Léa Sarfati (sop.), avec Christine Fonlupt au clavier, dans Bonjour mon cœur, Canción de la Infanta ou la piquante Vieux mari, dur aigri ; à Marie Kalinine pour une très prenante Fleur desséchée sur un poème de Pouchkine, ni enfin aux deux chanteuses précitées (toujours avec Christine Fonlupt) dans Les Bohémiennes, savoureux duo sur des thèmes chipés au Brahms des Danses hongroises.
 

© Eric Spiridigliozzi

Entre ces diverses mélodies, des pages instrumentales démontrent que l’art de compositrice de Pauline Viardot ne s’est pas uniquement dirigé vers la voix. Six violonistes issues de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne (Lucia Barrero Oliver, Sophie Williams, Katarina Kralj, Wiktoria Dettlaff, Olivia Ruud et Cristina Cazac) présentent les 6 Morceaux que Pauline Viardot composa pour son fils Paul. Si l’interprétation paraît parfois un peu verte encore, on cède toutefois au lyrisme et au mordant de ces miniatures.

Côté piano solo, Nathanaël Gouin nous révèle la Sérénade, puis les Variations arméniennes avec un engagement et une palette de couleurs remarquables, avant de retrouver un Renaud Capuçon (photo) très investi dans la Sonatine pour violon et piano, composition séduisante qui présente l’originalité de s’ouvrir par un Adagio – que le programme qualifie de « rêveur », terme qui ne figure pas sur la partition mais correspond parfaitement à l’esprit du morceau –, avant d’enchaîner un Scherzo et un Allegro très toniques.
Après cet ouvrage remarquable de concision, Nathanaël Gouin ( P. II) partage le clavier avec Michel Dalberto (P. I) dans l’Introduction et Polonaise et le Défilé bohémien. On peut regretter quelques longueurs sans doute dans ces deux ouvrages, mais l’esprit, le tonus et le soin que les deux interprètes leur apportent sont tels qu’il serait bien malvenu de bouder le plaisir de la découverte.
 
Alain Cochard

(1)         Pour en savoir plus sur le Centre Européen de Musique : cemusique.org/
 
Paris, Opéra-Comique, 6 octobre 2021
 
Photo © Eric Spiridigliozzi

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