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Concert « Molière / Charpentier » à l’auditorium du Louvre – Rions un peu avec Marc-Antoine – Compte rendu

D’un château l’autre : après avoir donné le même programme à l’Opéra de Versailles, c’est à l’auditorium du Louvre que Sébastien Daucé et l’ensemble Correspondances (photo) présentait leur concert Molière/Charpentier. Car il ne faut pas l’oublier, surtout en cette année de 400anniversaire, Lully ne fut pas le seul compositeur avec qui Molière travailla : après la brouille des deux Baptiste, Marc-Antoine Charpentier, fraîchement revenu de Rome, devint le musicien attitré de la troupe, et cette collaboration se poursuivit même, si l’on peut dire, après la mort de Poquelin. Auteur de pièces religieuses, Charpentier est obligé de s’inventer un tout autre style pour La Comtesse d’Escarbagnas en 1672, avec notamment deux « trios grotesques », jusqu’au Malade imaginaire, qui connaîtra trois versions, dont deux postérieures à 1673. Le concert du Louvre fait d’ailleurs la part belle au Charpentier « post-Molière », puisque la majorité des œuvres datent de 1682, et que « Les Plaisirs de Versailles » a même été élaboré sur un livret dont l’auteur reste anonyme. Qu’à cela ne tienne, on ne boudera pas pour autant son plaisir, les pièces réunies étant tout à fait réjouissantes.
 
Blandine de Sansal © Benoît Lombard

Bien sûr, la pandémie a contrarié ce qui était prévu initialement, il a fallu remplacer certains artistes, renoncer à certains morceaux, mais le résultat n’en est pas moins fort apprécié par le public venu en masse au Louvre ce vendredi. La haute-contre Vojtech Semerad, dont le nom figure au programme, était sans doute hors d’état de chanter ; c’est peut-être ce qui a entraîné la suppression du début de l’intermède italien du Malade imaginaire. Caroline Bardot est remplacée par Elodie Fonnard, et à l’issue du concert, Sébastien Daucé remercie Blandine de Sansal, dont il faut donc supposer qu’elle aussi a été appelée à la rescousse pour se substituer à une autre chanteuse. On ne s’en douterait pas à les écouter, car tout s’enchaîne sans le moindre accroc. Et pour rappeler que les comédies de Molière associaient le chant à la parole déclamée, Sébastien Daucé a choisi d’inviter à nouveau Soufiane Guerraoui, déjà présent dans Cupid and Death, pour assurer la liaison parlée entre les différentes pièces. Là aussi, dans ces interventions réglées par Emily Wilson, la prestation est d’un professionnalisme total, qui n’exclut évidemment pas l’humour.

Tandis que le trio masculin (Clément Debieuvre, Etienne Bazola et Maxime Saïn) brille dans la bouffonnerie, les dames brillent dans « Les Plaisirs de Versailles », étonnante pièce où la Musique – superbe Eugénie Lefebvre – se chamaille à la Conversation – quel bonheur de retrouver la voix grave de Blandine de Sansal, découverte dans une Petite Messe solennelle de Rossini donnée à Rennes ! « Il me faut du silence », dit la première, « A moi, du chocolat », rétorque la seconde, leur querelle étant ainsi réglée par le Jeu et Comus, avant l’inévitable hommage au « Grand Roi tout couvert de lauriers ». C’est par un autre dédicace à Louis, ce « plus auguste des rois », que s’ouvraient les représentations du Malade imaginaire : ce prologue pastoral est donné en conclusion du concert, et Caroline Weynants y est une piquante Flore appelant à elle les bergers. En bis, on reprend le chœur final des « Plaisirs de Versailles », la dizaine d’instrumentistes de l’ensemble Correspondances contribuant une fois encore aux plaisirs du Louvre.

Prochain rendez-vous musical à l'auditorium le 4 février avec Théotime Langlois de Swarte et l'ensemble Les Ombres dans un lumineux programme Vivalvi, Leclair et Locatelli.(1) 

Laurent Bury

(1) www.louvre.fr/en-ce-moment/evenements-activites/vivaldi-leclair

Marc-Antoine Charpentier : Nouveaux intermèdes pour Le Mariage forcé ; Les Plaisirs de Versailles ; Intermèdes pour Le Malade imaginaire
Paris, Auditorium du Louvre, vendredi 14 janvier, 20h
 
Photo © MolinaVisuals

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