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​Concert d’ouverture du Festival ManiFeste au Centre Pompidou - Symphonie électroacoustique - Compte-rendu

Le Festival ManiFeste de l’Ircam célèbre ses dix ans. Dix ans d’un succès qui depuis lors ne s’est jamais démenti. En témoigne ce concert intitulé « qui est musicien-ne ? », ouverture 1 de cette nouvelle édition (du 31 mai au 30 juin), qui rassemble dans la grande salle du Centre Pompidou le public du petit monde du milieu musical parisien pour un moment d’intense musicalité. Le programme enchaîne quatre œuvres de compositeurs d’aujourd’hui, d’esthétiques différentes mais complémentaire, dans une manière de symphonie avec chœur en quatre mouvements.
 
Première de ces œuvres, Her Majesty the Fool, en création, du compositeur américano-israélien Oren Boneh (né en 1991), pour accordéon microtonal et électronique, épanche des sonorités brutales voire agressives sous la dextérité (accordéon à la charge de Fanny Vicens, dédicataire de l’œuvre). Comme une introduction en forme d’allegro martelé.
Succède Heave, daté de 2020 de l’Israélienne Sivan Eldar (née en 1985), pour voix seule et électronique, qui distille un « lent dialogue » entre voix aiguë (celle du contre-ténor Guilhem Terrail) et vrombissements discrets, en forme d’élégie voluptueuse quelque peu planante. Comme un adagio, une brise, le calme après la tempête.
 
Photo © Hervé Veronese / Centre G. Pompidou
 
Mutations of Matters daté de 2008 associe pour sa part le compositeur chilien Roque Rivas (né en 1975) et le vidéaste colombien Carlos Franklin (né en 1979). La pièce marie ainsi l’intervention de cinq chanteurs à un dispositif électronique audio et vidéo qui fait défiler sur double écran des images stéréotypées de New York entre gratte-ciels et agitations de foule ardemment mêlés. Ou quand deux créateurs venus d’Amérique latine illustrent et chantent une autre Amérique, dans une sonorité et des projections mouvementées, comme un presto ou un scherzo. À noter que les trois compositeurs précités sont issus du Cursus de l’Ircam, où ils ont fait leurs classes, aux fins d’en célébrer le trentenaire pour ce concert.
 
Hervé Véronese / Centre G. Pompidou
 
Enfin, en forme d’apothéose ou de grand final : Quid sit musicus ? (« Qu’est-ce que le musicien ? », titre emprunté au poète latin Boèce), œuvre datée de 2014 de Philippe Leroux (1959) éclate en grande formation pour quatre voix, guitare, violoncelle, et, évidemment, soutien électronique. Un long chant, un large oratorio, qui se veut une relecture de Guillaume de Machaut, dans des bruitages de voix, d’instruments, d’amplifications retravaillées, allant de la déclamation à un alliage de vaste ensemble.
 
Les interprètes de ces pièces sont à la hauteur du projet, et tout particulièrement pour les deux dernières œuvres les chanteurs issus de l’ensemble Les Métaboles, sous la direction méticuleuse de leur chef titulaire Léo Warynski – tout juste sorti des représentions d’un Viol de Lucrèce très applaudi aux Bouffes du Nord. Le guitariste Rémi Jousselme et le violoncelliste Frédéric Baldassare s’acquittent avec agilité de leur partie complexe pour la page de Leroux. Et dans l’ensemble, l’électroacoustique apporte son appoint de magie sonore, dans la réalisation informatique Ircam par les soins de Gilbert Nouno et Augustin Muller.
 
Pierre-René Serna
Paris, Centre Pompidou ( Grande Salle), 31 mai 2021 / Concert diffusé sur la chaîne YouTube de l’Ircam et manifeste.ircam.fr, disponible durant 6 mois / www.youtube.com/watch?v=NiMA4Gt9dHM
 
Festival ManiFeste, jusqu’au 30 juin 2021 -  manifeste.ircam.fr/agenda/
 
 
Photo © Hervé Veronese/ Centre G. Pompidou
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