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Concert de Noël de l’Académie de l’Opéra national de Paris – Talents en devenir – Compte-rendu

Renouvelée aux deux tiers cet automne, l’Académie de l’Opéra de Paris présentait ce mercredi un concert d’airs et ensembles d’opéra. Pendant que la Lakmé de Sabine Devieilhe attirait les foules au Théâtre des Champs-Elysées, c’est au Palais Garnier que se produisaient ces douze jeunes chanteurs, accompagnés par l’orchestre de l’Opéra, dirigé par la cheffe Nil Venditti. Avant que les voix n’apparaissent, les instrumentistes ont tout loisir de faire entendre leurs qualités, dans l’ouverture de Guillaume Tell. Viendront ensuite, un par un – ou deux par deux – les douze jeunes artistes de l’Académie, dans des pages dont le choix étonne parfois un peu, non pas une quelconque inéquation avec leur identité vocale, mais plutôt par sa modestie extrême.
 

© Vincent Lappartient - Studio J’adore-ce-que-vous-faites - OnP

La soprano hongroise Boglárka Brindás ne se voit accorder que l’air de Sophie dans Werther, qu’elle interprète fort bien, et dans un français de très bon aloi (dommage seulement que le dernier « tout le monde est heureux » se transforme en glissando peu intelligible), mais ce morceau bien court nous laisse peu de temps pour juger de son talent. Seray Pinar semble aussi un peu gênée aux entournures avec l’air de Siebel de Faust, mais du moins la mezzo turque revient-elle ensuite en Angelina dans un ensemble tiré de la Cenerentola.
Le duo de Blanche avec le chevalier de la Force est un choix également curieux, scène de récitatif plutôt qu’air à proprement parler : le ténor Thomas Ricart y fait valoir de belles nuances et une jolie voix de tête, mais la soprano géorgienne Teona Todua ne peut guère donner l’héroïne de Dialogues des Carmélites qu’un timbre charmant, l’articulation du français devant encore gagner beaucoup en clarté. Autre ténor très léger, l’Américain Laurence Kilsby chante un extrait de la rarissime Gloriana de Britten, puis reparaît en Ramiro de Cenerentola.

Martina Russomanno déploie toute l’étendue de son talent dans l’air « Giusto ciel » de L’assedio di Corinto, dont on regrette hélas la brièveté ; on la réentend heureusement dans le sextuor de Cenerentola, tout comme Marine Chagnon, piquante Rosine du Barbier de Séville. Rossini encore avec le baryton Yiorgo Ioannou, dont on apprécie la vis comica ; Rossini toujours avec la basse Alejandro Baliñas Vieites, qui ne paraît toutefois pas en pleine possession de ses moyens dans un air extrait de Sémiramis.
Entendue dans les quelques répliques de Mère Marie, la soprano Margarita Polonskaya (photo à dr.) prête son dynamisme à Norina de Don Pasquale, en duo avec le baryton Andres Cascante (photo à g.), plus convaincant ici que dans l’air d’Hamlet « O vin, dissipe la tristesse » : la diction est très satisfaisante, mais l’expression pourrait être approfondie. Dans un autre extrait du Hamlet d’Ambroise Thomas, la basse Adrien Mathonat livre une prestation confondante d’autorité, avec une richesse dans le grave qui promet de somptueuses incarnations à venir.
 
Laurent Bury
 

 Palais Garnier, mercredi 14 décembre 2022
 
Photo © Vincent Lappartient - Studio J’adore-ce-que-vous-faites - OnP

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