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Compte-rendu : XXIe Festival de Saint-Eustache - Jean-Pierre Leguay interprète et compositeur
Le récital de Jean-Pierre Leguay qui refermait le Festival 2010 fut l'occasion d'entendre, en première partie et sans l'ombre d'un compromis, l'orgue de Saint-Eustache sous un angle quasi inédit. Habitué, à sa tribune de Notre-Dame, à individualiser ou à fusionner les différentes strates de l'instrument – orgue classique français (Clicquot), symphonique (Cavaillé-Coll) et contemporain, même si l'ensemble, naturellement, est harmonisé de sorte que tout sonne avec cohérence dans la diversité, Leguay offrit tout d'abord une section placée sous le signe de Cavaillé-Coll, à l'exclusion de toute couleur ne relevant pas de son univers. Où certains, presque étonnés, purent constater à quel point les fonds et anches de Saint-Eustache sonnent avec magnificence – moins ronds, mais amples, et se voulant plus mordants qu'un Cavaillé-Coll, tout en servant parfaitement la musique inspirée par sa facture.
Disciple d'André Marchal (1894-1980) dont on commémore le 30ème anniversaire de la disparition – Solstice vient de ressortir son intégrale Franck [Erato, 1958] à Saint-Eustache, dont il fut titulaire (1945-1963) après avoir succédé à Augustin Barié à Saint-Germain-des-Prés –, Jean-Pierre Leguay, qui s'inscrit dans la prestigieuse lignée des organistes français non voyants que furent précisément, outre Vierne, Langlais ou Litaize, Marchal et Barié (1883-1915), joua de ce dernier les Trois Pièces op.7, splendide faire-valoir d'une facture instrumentale et d'un art de l'interprétation indéniablement en situation. Suivirent une pièce intime et un monument de Liszt : Consolation n°4 et Variations sur Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen (gravées par Leguay à Notre-Dame), puis trois des Onze Préludes de chorals de Brahms (de même à Saint-Ouen de Rouen), en l'occurrence abordés sur des tempos enlevés, comme pour bannir tout dolorisme affecté, merveille néanmoins d'équilibre via le timbre au service de l'écriture, aussi sobrement transmise que savante.
Changement radical, avec un spectre sonore enrichi de la vaste et percutante palette d'harmoniques de l'orgue de Saint-Eustache : Leguay offrit sa Sonate III (2005-2006), dont Bernhard Haas avait joué le premier mouvement, D'une rive l'autre, au Festival 2009. Musique vertigineuse et d'une étincelante complexité, requérant plusieurs écoutes successives – Jean-Pierre Leguay a gravé ses Sonates II & III à Notre-Dame (Hortus, 2007). Le second mouvement, Falaise, fut particulièrement saisissant, sous-tendu dans le grave du pédalier d'un fascinant ostinato sur lequel s'arc-boute une irrésistible progression du mouvement et de la dynamique, frappant la sensibilité de l'auditeur par accumulation d'intensité quand le premier mouvement semblait résolu à demeurer extérieur à cette composante émotionnelle. Le tout musicalement et instrumentalement d'une formidable tenue. Impressionnant.
Hors Festival mais dans son prolongement direct, Saint-Eustache fêtera les 80 ans de Jean Guillou – il était en Allemagne et à Vienne (Guillou Woche) en avril dernier – avec un concert du titulaire accompagné de l'Orchestre de Jeunes de Padoue : rendez-vous le 14 novembre à 16 heures.
Michel Roubinet
Paris, église Saint-Eustache, mardi 26 octobre 2010
Sites Internet :
Festival de Saint-Eustache
http://www.orgue-saint-eustache.com/Festival.htm
Jean-Pierre Leguay (site de Notre-Dame de Paris)
http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/spip.php?article89
Discographie de Jean-Pierre Leguay (interprète et compositeur)
http://www.france-orgue.fr/disque/index.php?zpg=dsq.fra.rch&org=Jean-Pie...
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Photo : Notre-Dame de Paris
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