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Compte-rendu : Pour l’amour du beau chant - Otello de Rossini à Lausanne


En attendant les splendeurs promises pour le futur opéra de Lausanne en 2012, Eric Vigié y poursuit vaillamment son deuxième mandat dans la salle Métropole, peu faite pour l’art lyrique, notamment en raison de son acoustique métallique, préjudiciable aux voix. Y donner une œuvre telle que l’Otello de Rossini, dont l’intérêt tient à la seule performance vocale est donc une gageure. Pourtant, le charme opère, malgré… : malgré la faiblesse de la musique de Rossini, beaucoup moins doué pour la tragédie que pour la farce, on le sait, malgré le fâcheux amaigrissement que le librettiste Francesco Maria Berio fit subir au drame shakespearien, malgré enfin la froideur bleutée d’un décor schématique évoquant la mer - il serait parfait pour un Britten- et dont le seul élément vital est une batterie de portes qui claquent ou s’entrouvrent au gré des fluctuations de l’âme et de l’action. Le metteur en scène Gian Carlo del Monaco a quelque peu abusé de cet artifice, qui ne compense pas le caractère statique des personnages, engoncés il est vrai dans leurs terribles vocalises, Desdemona exceptée.

Dommage pour nous, il y a eu Verdi et son chef d’œuvre. Mais en pleine effervescence romantique, pourtant nourrie du vrai Shakespeare, l’œuvre fut un grand succès, dès sa création à Naples en 1816. Et les divas de l’époque la portèrent au niveau du mythe, de la Colbran à la Pasta et la Malibran, tant elle repose sur Desdemona, notamment dans sa grande scène du 3e acte, où l’Air du saule apporte douceur et humanité à ce festival pyrotechnique. Stendhal, dont on sait l’intérêt qu’il porta au compositeur, épingla cruellement les faiblesses de ce bizarre Otello - « Rossini, comme Walter Scott, ne sait pas faire parler l’amour » - mais lui non plus ne put tout à fait échapper à son charme, grâce à Desdemona…

Le tour de magie de ce spectacle incontestablement séduisant et très applaudi, c’est qu’Eric Vigié sait composer un plateau, ce qui n’est guère aisé en matière de chant rossinien aujourd’hui. Il a trouvé en John Osborn (photo) un Otello à la sombre prestance, dont la performance vocale s’étaye d’un timbre plus riche qu’il n’est habituel dans ce registre : magnifique chanteur qui n‘a cessé de s’affirmer depuis son 1er prix au concours Operalia de Placido Domingo, en 1996.

Même atout pour l’élégant Maxim Mironov, dont la voix de miel parvient à rendre attachant son rôle de Rodrigo, à la fois fade et ampoulé. Quant à Giovanni Furlanetto, le personnage rajouté d’Elmiro, père de Desdemona, permet à peine de profiter de sa présence fine et nerveuse.

Reste la triomphatrice de la soirée, la très belle Olga Peretyatko, qui donne une portée dramatique à la moindre de ses vocalises. Son charme magnétique, la grâce de son parcours, son timbre doré ont montré combien il faut désormais compter sur cette jeune chanteuse, elle aussi révélée par Operalia en 2007, date à laquelle elle commença de s’imposer, notamment dans ce même Otello au Festival de Pesaro, lequel a coproduit le spectacle avec Lausanne.

Quant eu chef Corrado Rovaris, solide baguette et bon soutien pour les chanteurs, il fait ce qu’il peut pour donner de la consistance à cette fausse valeur de l’histoire de l’Opéra.

Jacqueline Thuilleux

Rossini : Otello – Lausanne, salle Métropole, le 24 février 2010

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Photo : DR

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