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Compte-rendu - Ouverture sanglante à l’Opéra du Rhin - Richard III de Giorgio Battistelli

L’arrivée de Marc Clémeur, nouveau directeur général, n’a pas changé l’une des habitudes bien ancrées dans l’histoire récente de l’Opéra Opéra national du Rhin : en coïncidence avec le Festival Musica, la rentrée y est souvent contemporaine. Mais plutôt que de débuter son mandat avec une création, dont le résultat est par essence incertain, Marc Clémeur a opté pour un spectacle extrêmement efficace qu’il avait commandé et programmé en 2005 à l’Opéra de Flandre.

C’est donc à la première française de Richard III de Giorgio Battistelli que le public strasbourgeois a pu assister, au lendemain de l’ouverture du Festival Musica. Le compositeur, né en 1953, y est plutôt bien connu, notamment depuis la création, à l’Opéra national du Rhin, de Prova d’orchestra en 1995, suivie de la première française d’Impressions d’Afrique en 2001.

Musicalement, Richard III se situe avec évidence dans une lignée de « grand opéra ». L’écriture de Giorgio Battistelli n’est pas spécialement novatrice et répète scène après scène des schémas similaires. Les lignes vocales, systématiquement tendues et poussées, soulignées par l’orchestre n’apportent pas de grande nouveauté à l’art lyrique. Pourtant tout cela fonctionne. Les excès mêmes, le style forcé de Giorgio Battistelli contribuent à porter l’activité criminelle paroxystique de Richard III.

Tout l’opéra, en effet, tourne autour du personnage éponyme, plus encore dans le livret – parfait – de Ian Burton que dans la pièce de Shakespeare. Il fallait pour le rôle un interprète à la hauteur. Scott Hendricks l’est au-delà de toute espérance. Vocalement héroïque, le baryton irradie chaque scène de sa présence, de sa folie habitée. Il faut le voir, dès les premières scènes, dévaler les gradins de l’arène qui tient lieu de décor unique : par sa démarche à la fois autoritaire et balourde, par ses mimiques, il incarne le monstre, l’humanité déchue. La confrontation avec sa mère la Duchesse d’York, poignante Sara Fulgoni, qui le maudit (acte II, scène 3), est l’un des nombreux moments magnifiques de l’opéra, qui oppose la satisfaction amorale, sans pudeur et presque naïve de l’un et le désespoir de celle qui impuissante se désole de l’humanité corrompue. Les autres personnages, tous dirigés avec une remarquable maîtrise, forment un tout homogène, sans qu’aucun – sinon peut-être le Buckingham d’Urban Malmberg – ne se distingue vraiment.

La mise en scène de Robert Carsen est d’une efficacité redoutable, glaçante et implacable, alternant les tableaux hiératiques et le Grand-Guignol. Si l’essentiel de l’action et la plupart des meurtres se déroulent dans l’arène baignée d’un sable rouge, les gradins se remplissent des silhouettes fantomatiques du chœur, costumes sombres et pâleur de marionnettes, qui représente tantôt la cour, tantôt le peuple et l’opéra culmine dans l’ultime scène de bataille qui occupe l’ensemble du décor.

Enfin, il faut souligner le travail remarquable de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, qui porte sans faillir l’incessant bouillonnement orchestral sous la direction énergique de son chef Daniel Klajner.

Jean-Guillaume Lebrun

Giorgio Battistelli : Richard III – Strasbourg, Opéra national du Rhin, le 19 septembre 2009. Prochaines représentations le 23 septembre à Strasbourg et le 4 octobre à Mulhouse.

Programme détaillé de l’Opéra National du Rhin

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Photo : DR
 

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