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Compte-rendu - Musique de chambre au Festival de Montpellier – De l’art du dosage

Rien d’un hasard si, pour son épreuve de musique de chambre, le Concours de piano de Genève impose à ses candidats l’un des deux quatuors avec piano de Mozart. Ces partitions fondatrices du genre constituent en effet un test parfait des qualités de chambriste d’un pianiste. Celles de Jonas Vitaud n’ont plus à être démontrées et le Quatuor en sol mineur KV 478 du génial Wolfgang est venu confirmer sa musicalité et son sens inné du dialogue lors d’un des rendez-vous gratuits, dédiés à de jeunes instrumentistes, que le Festival de Montpellier propose salle Pasteur à l’heure de midi.

De la musique de chambre, de la vraie que ce concert, pas de ces assemblages improbables auxquels on assiste parfois… Formé à la belle école du Festival de Deauville – d’où sont sortis tant d’artistes qui appartiennent à la fine fleur de la jeune génération -, Jonas Vitaud préfère cultiver des liens privilégiés avec certains partenaires.

Il retrouvait ainsi pour l’occasion le violoniste Julien Dieudegard (avec lequel il a réalisé un beau CD intitulé « Miniatures » chez Lyrinx), l’altiste Julian Boutin et le violoncelliste Luc Dedreuil.

Tout est art du dosage en musique de chambre et particulièrement dans une composition telle que le Quatuor KV 478 dont la partie de piano extrêmement riche et virtuose peut, sous les doigts de pianistes moins subtils et attentifs que Jonas Vitaud, prendre des allures de concerto pour piano et réduire les cordes au rôle de simple faire-valoir du clavier. On ne court jamais ce risque avec quatre protagonistes dont l’entente et le sens de l’équilibre forcent l’admiration. Ils savent prendre le temps de respirer la belle ardeur de l’Allegro initial ou le lumineux élan du Rondo conclusif, autant que laisser s’épanouir le chant du mouvement central sans alentir inutilement le tempo (Andante).

Ce sens exact du caractère séduit autant dans le Quatuor avec piano en ut mineur op 60 de Brahms dont les musiciens comprennent l’indication non troppo accolée à l’Allegro initial pour faire entendre un discours dont la plénitude donne d’emblée le ton d’une interprétation aussi fouillée que naturelle. On éprouve un faible pour l’Andante dont la prégnance poétique vous poursuit après que le concert s’est achevé.

Les concerts de midi salle Pasteur font aussi place à la musique d’aujourd’hui et, entre Mozart et Brahms, les archets Julien Dieudegard, Julian Boutin et Luc Dedreuil ont donné en création mondiale le Trio à cordes du Frédéric Aurier - leur partenaire violoniste au sein du Quatuor Bela. Né en 1976, à son aise à la fois dans l’univers des instruments traditionnels comme dans celui de l’électro-acoustique, le jeune compositeur est donc un habitué du contexte chambriste. On comprend dès lors mieux la réussite d’une partition concise (une dizaine de minutes) et d’une grande vitalité – avec un parfum très Mitteleuropa – où rythmes et timbres foisonnent dans un esprit souvent ludique comme le laisse supposer le titre de l’ouvrage : « Musique à danser ». On espère avoir l’occasion de vite le réentendre, défendu avec autant d’engagement et de précision, pour mieux en sonder la séduisante profusion.

Alain Cochard

Festival de Montpellier, salle Pasteur, 27 juillet 2009

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Photo : DR
 

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