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Compte-rendu : The Manfrino's show - Nathalie Manfrino en récital à Pleyel

Seul rendez-vous parisien depuis Cyrano de Bergerac au Châtelet en mai dernier, ce concert à Pleyel était l'occasion pour Nathalie Manfrino de prouver au public qu'elle fait désormais partie des artistes sur lesquels il faut compter. Lumineuse dans ses tenues griffées Azzaro, la soprano s'est pliée sans contraintes, en véritable professionnelle, au rituel du concert à deux voix, comme avant elle Patrizia Ciofi et Joseph Calleja (2007), ou plus récemment Anna Netrebko et Massimo Giordano (2009), invités des Grandes Voix.

Passée la valse de Juliette (Gounod) entachée par une certaine mollesse d'accents et quelques vocalises un rien laborieuses (le trac sans doute), l'instrument de Nathalie Manfrino une fois chauffé, s'est épanoui tout au long d'un copieux programme. Délicate et manipulatrice Manon, implorante et séductrice Thaïs, la cantatrice a fait valoir dans ce répertoire français qu'elle affectionne, de beaux phrasés, une ligne souple, vaillante et galbée sur tout le registre, chaque figure abordée étant portraiturée avec soin ; dommage que les trilles de Thaïs (« Ah je serai belle ») aient été esquivés, car le contre-ré final était bien là.

Ce lyrisme, ce charme et cette fraîcheur d'intonation se retrouvaient dans la seconde partie consacrée à l'opéra italien : parfaite dans l'air d'entrée de la Giulietta bellinienne, « Eccomi in lieta vesta », élégamment parée d'incertitude et de frémissement, son Adina (Elisir d’amore) juvénile et racée précédait un conquérant « Addio del passato » de La Traviata - pourtant curieusement privé de la lecture de la lettre, mimée ici et amputée du second couplet, aujourd'hui réhabilité - celui d'une musicienne aguerrie, capable de belles nuances piano et d'un réel engagement psychologique.

A ses côtés le jeune Saimir Pirgu, entendu dans Cyrano (Christian), a encore du chemin à parcourir. Français approximatif, aigus sonores et mal contrôlés, diminuendi inexistants, le ténor a tenté Werther (« Pourquoi me réveiller ») et a échoué, s'est rattrapé dans la « Furtiva lagrima » (Elisire d'amore) avant de hurler une « Donna è mobile » (Rigoletto). Notre soprano méritait meilleur partenaire, d'autant que Patrick Fournillier à la tête du National de Lille a offert un bien bel accompagnement à ce duo déséquilibré. En bis un Brindisi de La Traviata, une Bohème (« O soave fanciulla ») sexy, un « Addio, addio speranza ed anima » de Rigoletto, enlevé, Manfrino affrontant seule et courageusement l'air de La Wally « Ebben ne andro lontana » un rien décalé par rapport à l'orchestre, Pirgu osant l'air d'Oronte « La mia letizia infondere » des Lombards de Verdi, sans conviction.

Prochaine étape pour la soprano, Mireille, cet été aux Chorégies d'Orange.

François Lesueur

Paris, salle Pleyel, le 8 avril 2010

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Photo : DR
 

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