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Compte-rendu : Hugues Dufourt à Orsay et à la Cité de la musique - Entre Chopin et Bruegel


Une semaine après la création de Voyage par-delà les fleuves et les monts au festival Manca, le Musé d’Orsay accueillait à son tour une création d’Hugues Dufourt. L’œuvre, un hommage à Chopin intitulé L’Essence intime des choses, commande du Mécénat musical Société Générale, venait conclure deux jours d’un colloque organisé par la Bibliothèque polonaise de Paris autour de « l’héritage de Chopin de 1831 à nos jours ».

La présence d’Hugues Dufourt au sein d’un grand musée n’a rien d’étonnant, tant le catalogue de ses œuvres depuis plus de trente ans peut sembler en lui-même un musée imaginaire, avec ses références à Fan K’uan, Rembrandt ou Pollock. En revanche, il s’agissait là de sa première œuvre répondant au genre de la mélodie – la seule à ce jour pour voix soliste. Dès les premières mesures, au piano, l’art du compositeur se reconnaît, qui crée une atmosphère propre à accueillir le texte poétique. L’atmosphère musicale de cette première mélodie (Réconciliation) n’est pas sans évoquer celle d’An Schwager Kronos, œuvre pour piano de 1994 également inspirée par la poésie de Goethe. Le texte, d’abord dit plus que chanté par Nadine Denize, paraît se précipiter vers l’écueil d’une musique qui ne rencontrerait pas le chant. C’est cependant le contraire qui se produit, le piano de Maciej Pikulski offrant par sa profusion sonore un espace en lequel la voix, dans son amplitude pourtant retenue, puisse se déployer. La seconde mélodie, Filer l’amour sur un poème d’Adam Mickiewicz, tout en volutes, puis La Chanson du fou, tirée des Odes et ballades de Victor Hugo, dans sa véhémence, sont finalement d’une approche beaucoup plus classique.

Deux heures plus tard, Hugues Dufourt était de nouveau à l’honneur, cette fois à la Cité de la musique où l’Ensemble intercontemporain reprenait Les Chasseurs dans la neige d’après Bruegel, troisième des œuvres qui constituent le cycle des Hivers, créée en 2001 par l’Ensemble Modern au Théâtre du Châtelet. Chef invité d’un soir, Bruno Mantovani en accentue les passages aux rythmes les plus marqués, grossit le son. Il rend ainsi sensible l’humour des quelques éclairs « figuratifs », qui sont bien moins des naïvetés qu’un regard distancié vers le tableau-prétexte. Il rend parfaitement justice au caractère fulgurant de l’œuvre, fascinante par sa concentration.

Commencé avec une lecture de Gejagte Form de Wolfgang Rihm (né en 1952), perdant malheureusement de son acuité à force de souplesse, le concert se poursuivait avec deux Objets impossibles de Dmitri Kourliandski (né en 1975), assez faible tentative d’œuvre multimédia où les images de synthèse transformées par la musique du compositeur russe n’ajoutent pas grand chose à un vocabulaire sonore limité. Bien plus convaincant est le Concerto de chambre n°1 de Bruno Mantovani, dont la forme se renouvelle sans cesse par des transformations annoncées parfois avec une théâtralité assumée (appels de cuivres, sonneries de cloches tubulaires), parfois subrepticement amenées : une belle leçon d’illusionnisme sonore.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Musée d’Orsay et Cité de la musique, samedi 27 novembre 2010

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