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Compte-rendu - Don Giovanni et L’Elisir d’amore à New York - Routine au Met


Visiter New York sans se rendre au Metropolitan Opera, véritable institution musicale, serait inconcevable. Célèbre pour ses distributions légendaires, plus que par ses mises en scène, ses stars consacrées ou en passe de le devenir et son public fidèle, le Met demeure une salle mythique sur laquelle planent encore telles des "ombres heureuses", la présence des plus grands artistes. Inauguré en 1966, le nouveau Met (l'ancien ayant été rasé) situé sur l'esplanade du Lincoln Center, entouré du New York City Opera, du New York City Ballet, de l'Alice Tully Hall et de la Julliard Scholl, est un immense vaisseau blanc. Moderne pour l'époque sa façade en arc et en verre, comme son hall d'entrée et son vaste escalier central, est sans ostentation, tandis que sa salle de 4 000 places est gigantesque.

Le 16 avril avait lieu une représentation du Don Giovanni de Mozart : à l'affiche Peter Mattei, sans doute le plus fameux Don Giovanni du moment, Samuel Ramey, une gloire du passé, Barbara Frittoli et Erin Wall dirigés par Louis Langrée. Nous y allions confiant, d'autant que le spectacle, une reprise, était signé Marthe Keller, auteur il y a quelques années d'excellents Dialogues des Carmélites à Strasbourg. Las ! notre enthousiasme s'est rapidement dissipé. Est-ce le manque de répétition, la preuve que l'alternance limite la qualité artistique, ou la simple malchance, que cette soirée s'est avérée si décevante? La conjonction de tous ces éléments, certainement. L'acoustique merveilleusement claire s'est révélée d'une terrible cruauté pour la direction chaotique, sans nerf et sans vie du chef français. Semblant déchiffrer la partition sans se préoccuper des artistes, souvent abandonnées à d'incompréhensibles fluctuations de tempo, Louis Langrée a offert une piètre démonstration de son travail.

La production des plus conventionnelles, suivant au pied de la lettre le déroulement de l'intrigue sans le moindre recul, ni la moindre réflexion, dans des décors de brique d'une rare laideur, était tout simplement révoltante. Livrés à eux-mêmes les interprètes ont donné l'impression de remplir leur contrat, à l'exception du rôle-titre chanté et joué par un Peter Mattei des grands soirs. Perdu dans cet océan de platitude et d'approximation (lui qui a côtoyé Peter Brook et Michaël Haneke !), le baryton suédois a su s'imposer et investir le plateau grâce à la séduction de son approche et l'extraordinaire richesse de sa composition. Disposer du plus grand titulaire actuel et le sous-employer de cette manière était tout de même un crime. Dans le rôle de Leporello, Samuel Ramey n'était plus que l'ombre de lui-même ; la voix irrémédiablement usée, le vibrato incontrolable et le jeu d'une platitude confondante n'ont fait qu'alimenter nos regrets de le voir encore sur scène.

Après le désistement de Soile Isokoski, Barbara Frittoli initialement prévue dans le rôle de Donna Anna a préféré chanter celui de Donna Elvira. La soprano italienne connaît son Mozart pour l'avoir interprété depuis de nombreuses années, mais son exécution de la volcanique et amoureuse Elvira n'a jamais dépassée le stade du correct, quand on attend de la finesse et une caractérisation plus affirmée. Erin Wall pour ses débuts au Met a campé une Donna Anna au profil soigné, doté de beaux moyens vocaux auquel il manque cependant une vraie proposition scénique et musicale. Pavol Breslik prêtait son timbre fruité au rôle de Don Ottavio, entouré d'Isabel Bayrakdarian (Zerlina), Shenyang (Masetto) et de Raymond Aceto (Commendatore) qui rivalisaient tous les trois d'imperfections vocales et stylistiques.

Second spectacle en alternance, le 18, L'Elisir d'amore de Donizetti dans une antédiluvienne production de John Copley. Défilé de toiles peintes aux couleurs criardes, débauche de costumes et d'accessoires ridicules censés représenter une Italie de carte postale, rien ne nous a été épargné. Là encore l'absence totale de mise en scène était flagrante, chaque protagoniste ayant recours à quelques attitudes stéréotypées et convenues. Que dire de la direction molle et sans panache de Maurizio Benini, sinon qu'elle n'était pas acceptable, et des prestations de Messieurs Simone Alaimo, Dulcamara au comique d'un autre âge, jouant face au public dans un état vocal consternant et de Franco Vassallo, Belcore inaudible et incolore. Succédant à Angela Gheorghiu, la fraîche Nicole Cabell (photo) découverte dans le rôle d'Adina à Montpellier en 2006, était tout simplement délicieuse, parfaitement à sa place dans ce répertoire, même si la projection de sa voix manque encore d'assurance et de plénitude, notamment dans l'aigu. Pour ses premiers pas in loco Dimitri Pittas a fait bonne impression dans le rôle de Nemorino : présence sympathique, timbre gracieux, technique huilée, voilà sans doute quelqu'un de prometteur, Ying Huang (la Butterfly du film de Frédérique Mitterrand) s'accaparant les quelques phrases de Giannetta.

Peter Gelb, directeur du Met, a d'ores et déjà invité Luc Bondy pour la Tosca de la rentrée prochaine avec Karita Mattila et Patrice Chéreau pour la reprise de son saisissant De la maison des morts de Janacek, deux éminents metteurs en scène qui devraient bousculer les habitudes d'une maison bien peu novatrice en la matière. Tant mieux.

François Lesueur

New York, Metropolitan Opera

Mozart : Don Giovanni, 16 avril 2009

Donizetti : L’Elisir d’amore, 18 avril 2009

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Photo : DR

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