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Chœur de la cathédrale de Durham - Six siècles de tradition polyphonique - Compte-rendu


Sous l'impulsion de Michael Sadgrove, archiprêtre (francophone !) de la cathédrale de Durham (nord de l'Angleterre), et d'Amaury Sartorius, maître de chapelle de la cathédrale de Versailles et curé de Sainte-Jeanne d'Arc (édifice des années 1920-1930 pour lequel il a obtenu le rachat et l'installation du second orgue de Radio France, celui du Studio 103 : un Muller de 1965), un partenariat musical a pris forme entre Durham et Versailles. Après 2008 et 2009, le célèbre Chœur de la cathédrale de Durham est revenu en France pour une riche semaine ponctuée de concerts et d'offices : rythme quotidien que l'on imagine volontiers épuisant – pourtant rien que de très habituel pour ce chœur de haut lignage, parmi les meilleurs du Royaume-Uni.

Couronnant la ville, l'impressionnante cathédrale romane, la plus vaste d'Europe septentrionale, abrite non seulement un célèbre Willis (1877, orgue agrandi par Harrison and Harrison, de Durham) mais aussi un chœur réputé qui depuis le XVe siècle en rehausse la vie liturgique et musicale – pas moins de huit offices chantés par semaine. Sous sa forme actuelle, il regroupe une double maîtrise, en alternance pour les offices, de vingt garçons et de vingt filles (réunis pour les grandes fêtes de l'année, Noël notamment, avec les fameux Carols indissociables de la pratique chorale en Grande-Bretagne) et un chœur de jeunes adultes (étudiants à la non moins réputée Université de Durham), tous dirigés par James Lancelot, Master of the Choristers and Organist.

Le programme chargé de cette semaine en France donne une idée du quotidien des jeunes musiciens. Un premier concert fut donné à Paris le mardi en l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, les œuvres vocales étant entrecoupées de pièces d'orgue puisant dans le répertoire anglais : Henry Smart (1813-1879), Kenneth Leighton (1929-1988). Ce fut l'occasion de réentendre, une place plus importante qu'en 2008 et 2009 ayant fort heureusement été faite à l'orgue, Keith Wright, Sub-Organist de Durham et lui-même chef des Palatine Voices, tant au grand-orgue Kern qu'à l'orgue de chœur, signé Cavaillé-Coll et ancien orgue de salon du baron d'Erlanger. Le déploiement du programme vocal allait de la Renaissance aux XIXe et XXe siècles, si prolifiques en Angleterre pour la musique chorale : un premier concert entièrement britannique, reflet exclusif de la grande tradition du pays.

Dès le lendemain à Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts, à l'invitation d'Éric Lebrun, le programme s'élargissait à l'Europe : aux Anglais répondirent Palestrina (majestueux Dum complerentur dies Pentecostes) et Schütz (formidable Die Himmel erzählen die Ehre Gottes), mais aussi Rheinberger (Abendlied) et Francis Poulenc : les fameux Quatre Motets pour le temps de Noël. Côté anglais, la grande œuvre était la Mass for five voices de William Byrd. Aux deux orgues, Keith Wright fit entendre John Stanley (1713-1786) puis, en guise d'interludes entre les sections de la messe de Byrd, Richard Alwood (XVIe s.) et Thomas Tallis (1505-1585), enfin le finale d'une Sonate de Basil Harwood (1859-1949), dans la mouvance symphonique. Ce même programme (soit déjà un vaste et redoutable répertoire pour les plus jeunes choristes) fut repris le samedi à Neauphle-le-Château, étant entendu que le Chœur s'était produit la veille à Versailles : vêpres à Sainte-Jeanne d'Arc puis concert – avant de chanter le dimanche à la cathédrale de Chartres. Seul le jeudi fut day-off

Six siècles de tradition, qu'est-ce que cela signifie ? En l'occurrence et dès le premier regard, ce pourrait être la manière dont l'individu se glisse dans un groupe en lui-même tellement aguerri, indépendamment de l'ancienneté de chacun de ses membres, que rien ne semble pouvoir le faire vaciller. Il fallait voir certains gamins (entre sept et onze ans) se laisser parfois (semblait-il) distraire ou témoigner d'un léger accès de fatigue – il suffisait de fermer les yeux pour constater que cela n'avait aucune incidence sur ce que l'oreille perçoit. La machine musicale, véritable Rolls chorale, fonctionne, vit, s'anime à un niveau qui semble véritablement dépasser les êtres la constituant.

L'un des aspects, ou des mystères, de la tradition, outre l'intime connaissance des styles, le bonheur évident de chanter ensemble a cappella, de faire corps pour donner vie à la musique, sous la férule bienveillante et fervente de James Lancelot. Douze garçons et autant de jeunes adultes, habitués à l'immensité du chœur de Durham : la puissance qui se dégage même des voix les plus jeunes est tout simplement sidérante, digne par moments d'une batterie d'anches en chamade au complet ! À l'autre extrémité du spectre : de saisissantes nuances, un souffle inépuisable quel que soit le degré dynamique, de ponctuelles intonations solistes admirables (des sopranos jusqu'aux basses), une prestance et une assurance aussi musicales qu'enthousiastes, le tout sans la moindre manifestation d'ego – les bis ne sont pas dans la tradition, ni revenir saluer. L'esprit est autre, que résume assez bien le mot anglais pour désigner, notamment, l'office religieux : service – celui de la musique.

Rendez-vous est pris pour une quatrième visite en Île-de-France en juin 2013…

Michel Roubinet

Concerts du Chœur de la cathédrale de Durham : 14 (Saint-Jacques-du-Haut-Pas), 15 (Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts) et 18 (Neauphle-le-Château) juin 2011.

Sites Internet :

Musique à la cathédrale de Durham

http://www.durhamcathedral.co.uk/music

James Lancelot & Keith Wright

http://www.duresme.org.uk/CATH/organist.htm

Le Chœur de Durham et Sainte-Jeanne d'Arc de Versailles

http://jeannedarc-versailles.com/Musiques-des-grandes-cathedrales.html

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Photo : DR

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