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​Cats d’Andrew Lloyd Webber à l’Opéra de Monte-Carlo – Hymne à la lune – Compte rendu

 

 
Il en va désormais du musical comme jadis de l’opérette : beaucoup de maisons d’opéra semblent avoir décidé qu’il s’agissait d’une valeur sûre pour les fêtes de fin d’année. A la tête de « l’autre Palais Garnier », Cecilia Bartoli a profité de la tournée européenne de Cats donnée par une troupe britannique pour proposer au public monégasque une vingtaine de représentations de la comédie musicale qui détient plusieurs records de longévité à New York et à Londres, et qui lança véritablement la carrière de Sir Andrew Lloyd Webber.

 

© Alessandro Pinna

Au paradis des félins
 

Il y a quelque chose d’assez énigmatique dans le succès phénoménal de Cats : la genèse de l’œuvre a cela de particulier que le compositeur ne s’est pas appuyé sur un livret existant, mais a commencé par mettre en musique des poèmes de T.S. Eliot, comme un cycle de mélodies, sans se soucier de la façon dont ils pourraient prendre une forme théâtrale. C’est l’équipe réunie pour monter un spectacle (d’abord intitulé Practical Cats) qui a dû se débrouiller ensuite pour trouver un fil narratif permettant de relier ces différents morceaux. Il n’en reste pas moins que le résultat final s’apparente davantage à une suite de numéros présentant chacun des différents chats qui sont candidat à l’accès au paradis des félins. La division en deux actes est elle-même tout à fait aléatoire. Malgré cette quasi-absence de scénario, le spectacle s’est imposé par la qualité et la variété de sa musique (un style différent est associé à chaque animal) et Cats reste une référence, surtout dans le monde anglophone.

 

© Alessandro Pinna

 
Fidélité au décor de la création

 
De manière assez étonnante pour les amateurs d’opéra, habitués à voir les œuvres changer d’aspect à chaque nouvelle production, Cats est resté figé depuis sa création : l’identité visuelle n’a pas changé d’un iota, seule la distribution étant nécessairement renouvelée au fil du temps. A Monte-Carlo, on retrouve donc le décor de décharge au clair de lune et les masques et déguisements conçus en 1981 pour la création mondiale de l’œuvre, à Londres. Et la mise en scène est assurée par Dane Quixall, qui travaille depuis une quinzaine d’années sur le spectacle pour en garantir la fidélité à l’original. Formule clé en mains, donc, pour un spectacle qui a fait ses preuves et qui rencontre le même succès à chaque réincarnation.

 

© Alessandro Pinna

 
Forte influence de la danse classique
 
La fosse étant couverte, on ne sait trop où se cache l’orchestre, mais une annonce précisé bien qu’il joue en direct, sous la direction de Daniel McLaughlin ; dans la partition, on remarque surtout la présence des trois « claviers », euphémisme désignant les synthétiseurs, dont le son bien particulier introduit une note très eighties. Quant à la chorégraphie, reprise par Bill Deamer, elle reflète une forte influence de la danse classique, dont témoigne en particulier le solo de Mr Mistoffelees, dansé par Samuel Bateson, dont la virtuosité ne déparerait pas dans La Belle au bois dormant ou Le Lac des cygnes. Comme toujours, on est impressionné par l’aisance avec laquelle toute la troupe maîtrise aussi bien le chant que la danse.

 

© Alessandro Pinna

Savoureux mordant
 
Parmi les rôles solistes, on remarque d’emblée la solide présence de Russell Dickson dans le rôle du « narrateur », Munkustrap. Shem Omari James profite pleinement du rôle en or qu’est Rum Tum Tugger, le chat rockeur. En Grizabella, Lucy Mary Barker a droit au tube de la partition, le célèbre « Memory », sorte d’hymne à la lune, qu’elle interprète avec un engagement impressionnant. Les lyricomanes ne sauraient rester insensibles au timbre de Michael Robert-Lowe, qui prête à Old Deuteronomy d’authentiques graves de baryton-basse qui conviendraient fort bien au répertoire le plus classique, tandis que Nathan Taylor confère un savoureux mordant à Gus, alias Rumpus Cat.
 
Laurent Bury
 

Andrew Lloyd Webber – Cats – Monte-Carlo, dimanche 14 décembre ;  19 autres représentations jusqu’au 31 décembre 2025 // www.opera.mc/fr/saisons/25-26/cats
 
 
Photo © Alessandro Pinna
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