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Case Scaglione et l’Orchestre national d’Île-de-France– Splendide incursion en terre sibélienne – Compte-rendu

Une vraie rencontre musicale et humaine avec un nouveau directeur musical talentueux, une prometteuse dynamique d’avenir ; certains orchestres parisiens en rêvent en ce moment... C’est une réalité pour l’heureux Orchestre national d’Île-de-France depuis l’arrivée de Case Scaglione (photo).

Peu de temps après un programme Ives-Beethoven (1), on a retrouvé le chef américain et ses musiciens pour une soirée Sibelius, un auteur dont la formation francilienne n’est pas particulièrement familière et dont le choix reflète la volonté du nouveau directeur musical de lui faire découvrir des horizons nouveaux. Certes le Concerto pour violon n’a rien d’une rareté – il semble toutefois qu’il n’ait pas été programmé à l’Ondif depuis un bon moment –, mais les Symphonies n° 5 et –  plus encore – n°7 demeurent rares dans les programmes des orchestres parisiens, et français de manière plus générale.

Il vaut mieux avoir la partition dans la tête que la tête dans la partition, disait un chef célèbre. Scaglione a Sibelius dans la tête, autant que dans le cœur, et dirige de mémoire la totalité du programme. Sensation d’espace, foisonnement intérieur : la progression dramatique que le jeune maestro imprime au mouvement initial de la 5ème Symphonie, placée en première partie de soirée, témoigne d’une pleine maîtrise de son sujet et se révèlera à l’image de l’ensemble d’une exécution qui sait à la fois soigner le détail (magnifique Andante mosso, quasi Allegretto), étager les plans sonores et faire ressentir la poussée irrépressible de la force menant au majestueux choral du dernier épisode. Les accords finaux auraient sans doute pu être lestés d’encore plus d’énergie cosmique mais, en l’état, le résultat force déjà l’admiration.
 

Simone Lamsma (photo Otto van den Toorn © Simone Lamsma)

Depuis longtemps l’Orchestre national d’Île-de-France programme des solistes méconnus en France et Case Scaglione entend rester fidèle à cette mission – on ne peut que l’y encourager, les autres formations parisiennes ne montrant pas toujours beaucoup d’audace en la matière ... Peu après avoir permis au magnifique Federico Colli (1) de faire ses débuts concertants en France dans le 4ème de Beethoven, l’Ondif fait appel à l’archet de Simone Lamsma pour l’Opus 47 du compositeur finlandais. La violoniste néerlandaise n’en est pas à sa première apparition en France – elle était l’invitée de l’Orchestre national de Bordeaux avec Paul Daniel, en septembre dernier, dans le Concerto d’Elgar – mais n’est guère connue chez nous. Quelques prestations du niveau de son Concerto de Sibelius auraient vite fait de changer les choses ...
Une semaine après la décevante interprétation de Joshua Bell, handicapé par la raide battue de Karina Canellakis avec l’Orchestre de Paris (2), la soliste emporte l’enthousiasme de l’auditoire — et le nôtre ! – par une approche d’une maîtrise phénoménale. La perfection, la justesse absolue peuvent parfois se muer en froideur ; sur un magnifique Strad « Mlynarski » (1718), elles permettent à S. Lamsma de se hisser à une dimension supérieure, une perfection habitée qui sied idéalement au caractère du Concerto en ré majeur, d’autant que Scaglione respire avec sa partenaire et emplit la partition d’une souffle puissant. Du grand art, là comme dans le 1e mouvement de la 2ème Sonate « à Jacques Thibaud » d’Ysaÿe, offert en bis -  et assumé avec un foudroyant aplomb !

En conclusion la Symphonie n° 7, ouvrage d’une seule coulée, souligne la compréhension organique qu’a le jeune maestro d’une géniale partition dont il maîtrise l’enchaînement des diverses sections avec autant de naturel qu’il en éveille – et émerveille – les timbres. Si ce concert pouvait être le commencement d’une grand cycle Sibelius de l’Ondif ...
 
Alain Cochard

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