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Federico Colli, Case Scaglione et l’Orchestre national d’Île-de-France à la Philharmonie du Paris – Colli ou l’art de la nuance – Compte-rendu

Pour son retour à l’Orchestre national d’Île-de-France après plusieurs semaines d’absence qui auront permis d’entendre de remarquables chef invités – la qualité d’un directeur musical se juge aussi à celle des collègues auxquels il cède la baguette lorsqu’il s’éloigne momentanément de sa formation ... –, Case Scaglione dirige un programme beethovénien placé sous le titre « Félicité ». Terme on ne peut plus approprié d’agissant des œuvres heureuses et lumineuses que sont le 4ème Concerto pour piano et la 4ème Symphonie. N’était la rareté au concert de cette dernière, on pourrait parler d’un programme archi-traditionnel. Reste qu’un petit supplément, The Unanswered Question de Charles Ives, vient modifier la perspective, pour le plus grand bonheur de l’auditoire.
Placée en début concert (et codirigée par Scaglione et son assistante, Lucie Leguay), la courte pièce du compositeur américain est enchaînée au Concerto op. 58. Pas l’ombre d’un hiatus : le résultat s’avère pour le moins magique et l’on goûte d’autant mieux l’ouvrage fameux qui arrive qu’il est défendu par un pianiste d’immense talent : Federico Colli (photo).
 

Federio Colli © Chandos

Une fois de plus l’Ondif fait confiance à un jeune interprète méconnu du public français (hormis via le disque et youtube). Né en 1988 Federico Colli mène déjà une belle carrière internationale, mais il lui aura fallu attendre l’invitation de la phalange francilienne pour faire ses débuts avec orchestre chez nous(1). Sonorité pleine, riche, ambrée, jamais clinquante ; Colli s’empare du Sol majeur en poète pianiste. L’Allegro initial, vraiment moderato, le montre sculptant la phrase et chantant avec une noblesse et une sensibilité admirables, servies par une sidérante maîtrise des plus infinitésimales nuances, que l’attentive baguette de Scaglione l’aide à distiller. Quant à la cadence elle est simplement bouleversante de poésie ; poésie étrange et solitaire, en parfait accord avec l’Andante con moto, intensément vécu mais naturel, humain, sans dramatisation forcée. Rondo final non moins convaincant, aérien, au cours duquel Colli montre sa compréhension du rôle expressif du timbre dans l’Opus 58 – inscrit de ce point de vue dans la continuité de la « Waldstein » (1803-1804), immédiatement antérieure au 4ème Concerto (1805-1806).
En bis, le Jesus bleibet meine Freude de Bach (transcrit par Myra Hess) déploie un art du chant et, encore une fois, de la nuance simplement confondant. Un interprète de très grand classe, comme venu d’une époque moins pressée, brailleuse et vulgaire que la notre.
 

Case Scaglione © Chris Lee

Après la pause, Case Scaglione signe une lecture vivante et fouillée de la Symphonie n°4, bien suivi dans ses choix par des troupes très impliquées. Le résultat séduit par la pureté du trait (très bel Adagio), en accord avec l’esprit d’une partition que Schumann décrivait comme « une mince fille de Grèce entre deux géants nordiques ». Sans doute le chef gagnerait-il à instiller un peu plus de dionysisme dans son approche ; on n’est il est vrai qu’au tout début d’une série de huit dates et les choses ne pourront que mûrir au fil celle-ci.
Prochaine série de l’Ondif du 24 au 31 janvier (2) avec Case Scaglione (et la violoniste néerlandaise Simone Lamsma) pour un programme tout Sibelius (Symphonies nos 5 et 7, Concerto pour violon).

Alain Cochard

(1) Le découvreur Biarritz Piano Festival l'avait toutefois programmé en récital en 2018

(2) www.orchestre-ile.com/page/saison/30_saison-1920/concert/693_grand-nord

 
Paris, Philharmonie, Grande Salle, 10 janvier 2020 ; prochaines dates 14 janvier ( Franconville), 15 janvier (Plaisir), 17 janvier (Antony), 18 janvier (Nogent-sur-Marne), 19 janvier (Villeparisis) // www.orchestre-ile.com/page/saison/30_saison-1920/concert/690_felicite

Photo © Chandos

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