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Berlioz et Beethoven sous la direction de François-Xavier Roth au Festival Berlioz - Hymnes universels - Compte-rendu

Le concert de François-Xavier Roth (photo) associe deux œuvres que l’on pourrait dire apparentées : Le Temple universel de Berlioz et la Neuvième Symphonie de Beethoven. Apparentées, car ces deux œuvres chantent pareillement l’appel à la fraternité entre les peuples. Il est inutile de présenter l’« Hymne à la joie » beethovénien, mais la cantate de Berlioz mérite quelques explications. Il s’agit d’une des toutes dernières pages du compositeur, écrite entre 1861 et 1868 pour ses deux versions. L’œuvre entendait célébrer l’Entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne, pour un vaste double chœur masculin accompagné à l’orgue (version primitive) et un simple chœur masculin a capella (seconde version). Ce sont les deux versions qui nous sont restées, mais Berlioz avait l’intention d’en réaliser une orchestration ainsi que des paroles en français et… en anglais, dont on a perdu la trace dans les deux cas. Puisque les paroles, prophétiques, disent : « Embrassons-nous par-dessus les frontières ! L’Europe un jour n’aura qu’un étendard. »

© Bruno Moussier

Cela explique le projet de ce concert : dans une adaptation des paroles en français et anglais, et une orchestration, commandée par le Festival Berlioz au jeune compositeur Yves Chauris (né en 1980). Afin de revenir aux intentions premières de Berlioz… Seulement, il faut bien reconnaître que ces belles intentions résultent un peu frustrées. Pour différentes raisons : un ensemble choral maigrichon, une trentaine de chanteurs masculins puisés pourtant à trois formations (Spirito, Jeune Chœur symphonique, Chœur d’oratorio de Lyon), alors que Berlioz prévoyait un millier de choristes ! de surcroît, un orchestre, Les Siècles, lui aussi assez grêle et qui ne permet guère de juger de la pertinence de l’orchestration ; et une imprécision dans l’interprétation, côté chœur surtout (chant mal coordonné sur des paroles inintelligible, en anglais comme en français !), qui proviennent assurément d’un manque des répétitions nécessaires. La pièce sera reprise à la Philharmonie de Paris, le 24 juin 2019 par les mêmes Siècles mais des chœurs beaucoup plus étoffés, dans le cadre des célébrations de « Berlioz 2019 » (cent-cinquantenaire de la disparition du compositeur), qui devrait permettre de mieux apprécier cette œuvre brève mais fervente.
 
La Neuvième succède donc, elle, accomplie à tous égards : orchestre acerbe, chœur (des trois formations au grand complet) d’un large élan, sous la direction vigilante de François-Xavier Roth, avec un bouquet de chanteurs solistes efficients : Jenny Daviet, Adèle Charvet, Sébastien Droy et Laurent Alvaro. Une interprétation cette fois toute de relief, où se goûte la restitution instrumentale d’époque (la sonorité mystérieuse du troisième mouvement) et sa répartition par pupitres étagés. Et aussi un diapason d’époque, en 1820. Diapason et dispositif instrumental inchangé pour le précédent Temple universel, pourtant écrit quarante ans plus tard ! Autre hiatus du concert…
 
Il convient cependant de souligner que l’orchestre Les Siècles vient de perdre sa subvention du département de l’Aisne (dont il bénéficiait depuis 2011). L’avenir paraît donc incertain, sauf à obtenir une subvention accrue du Ministère de la Culture, dont la demande a été faite à la ministre présente lors de la première semaine du Festival Berlioz. Ce qui ne serait que justice pour une formation hors des sentiers battus (sur instruments et stylistique d’époque – toutes époques confondues) qui depuis 2003 n’a cessé de prouver ses peu ordinaires compétences !
 
Pierre-René Serna

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Festival Berlioz, La Côte-Saint-André, Auditorium provisoire du château, 30 août 2018.

Photo © DR

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