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Alexandre Kantorow en récital à la Fondation Vuitton – Au cœur du texte – Compte-rendu

D’aucuns voudraient résumer la relève du piano français à trois noms (1) - s’il leur plaît... Pour le moins réductrice, pareille vision simplifie sans aucun doute le travail des maquettistes mais ne correspond en rien à la réalité. C’est une douzaine d’artistes qu’il faudrait au moins citer si l’on souhaitait donner une idée un tant soit peu représentative du « haut du panier » des jeunes pianistes français du moment. Une certitude en tout cas, Alexandre Kantorow, 20 ans tout juste, en fait partie –  et parmi les plus prometteurs !
Son premier récital parisien à l’Auditorium de la Fondation Vuitton (2), m’avait donné l’occasion d’insister sur le talent peu ordinaire d’un musicien que l’on a retrouvé il y a peu en ce même lieu tandis que vient de paraître un récital russe chez Bis (comportant en particulier une magistrale 1ère Sonate de Rachmaninov). (3)

Bartók, Brahms et Liszt forment un programme qui s’ouvre sur l’Allegro barbaro du Hongrois. Kantorow domine et restitue toute l’énergie et la saveur harmonique de cette pièce fameuse sans rien céder à l'effet, ni aux bûcheronnes facilités auquel le qualificatif barbaro pousse parfois – quel art des couleurs savoure-t-on dans la partie centrale ...
Le Français a décidément le goût des sonates mal-aimées : après la 1ère de Rachmaninov, le voilà qui s’attaque à la 2ème de Brahms - la première dans l’ordre de composition des trois sonates en fait. Et le jeune homme convainc de bout en bout – finale compris, oui ! – par l’intelligence d’une approche impeccablement construite. Il n’a cure de l’épate, de la débauche de décibels et mise d’abord sur une plongée au cœur du texte (avec une parfaite justesse de tempo et de caractère ; comme dans l’Allegro initial, vraiment non troppo, ma energico). Public d’une rare attention : la capacité de l’interprète à susciter l’écoute, à happer et à maintenir l’attention de l’auditeur par la clarté et la cohérence du propos émerveille. Et que de simplicité et de poésie : l’Andante con espressione traduit la richesse de l’imaginaire guidant les doigts à l'œuvre ici ...
On suit A. Kantorow avec autant de bonheur dans une Rhapsodie op. 79 n° 1 de Brahms fougueuse et intensément narrative, ou encore dans la Rhapsodie op. 1 de Bartók dont il explore les atmosphères changeantes avec une palette sonore aussi étendue que raffinée. Celle-ci fait merveille enfin dans la 11e Rhapsodie hongroise de Liszt, enlevée avec spontanéité et maestria mais d’abord attentive à la myriade de couleurs que Liszt tire de l’instrument – attentive à l’essentiel.
 
Alain Cochard

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  1. Diapason, mai 2017
  2. 1 SACD BIS 2150
  3. www.concertclassic.com/article/alexandre-kantorow-en-recital-la-fondation-louis-vuitton-un-grand-est-ne-compte-rendu

 
Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 19 juin 2017 (récital diffusé en direct sur Radio Classique et disponible en podcast sur radioclassique.fr)

Photo A. Kantorow © Jean-Baptiste Millot

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