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​Isabelle Faust et le Mahler Chamber Orchestra au 4ème Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – La musique en partage – Compte-rendu

Les Hébrides de Mendelssohn, Contrepoint 1 de L’Art de la Fugue, Fantaisie pour violon et orchestre op. 131 de Schumann, Contrepoint 3 de L’Art de la Fugue, Quatuor n° 1 de Schumann, entracte, Concerto pour violon op. 64 de Mendelssohn : pour sa venue au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence en tant que soliste et chef du Mahler Chamber Orchestra, Isabelle Faust a fait le choix de l’originalité, c’est le moins que l’on puisse dire - mais aussi de la cohérence si l’on se souvient de l’admiration que Schumann et Mendelssohn vouaient tous deux à Bach. La chose ne surprend guère de la part d’une magnifique violoniste alliant une supérieure maîtrise de l’instrument – et quel puisqu’il s’agit du Strad de 1704 « La Belle au Bois Dormant » - à une musicalité et une intelligence hors du commun, le tout avec la plus entière simplicité.
 
Un programme susceptible de dérouter des mélomanes habitués à des propositions plus... traditionnelles ? Il n’aura en tout cas pas dissuadé le public aixois qui, comme depuis le début de la manifestation, s’est rendu en nombre au Grand Théâtre de Provence.
Du poste de konzertmeister, I. Faust donne son impulsion à la célèbre ouverture de Mendelssohn. L’Opus 26 s’anime, débarrassé de l’effet de masse auquel les grandes phalanges symphoniques, aussi splendides soient-elles, nous ont accoutumés, et se déploie avec une énergie, une profusion de détails et une saveur des timbres qui en renouvellent en profondeur la perception.
Le Contrepoint 1 de L’Art de la Fugue, joué en quatuor, prélude avec une rigueur mystérieuse à la rarissime Fantaisie en ut majeur de Schumann. L’artiste allemande propose une version pleine de liberté et d’esprit, dans une totale complicité avec ses partenaires. Elle y joue à plein la carte de la vitalité heureuse, en sachant toujours se garder du bavardage virtuose qui peut guetter l’œuvre sous des archets moins inspirés.
 
Concert à géométrie variable au plein sens du terme : aux vents du MCO échoit le Contrepoint 3 de L’Art de la Fugue ; il ménage un effet de contraste réussi dans le cours du concert et prélude pour sa part au Quatuor n° 1 de Schumann dont l’écriture doit beaucoup à la leçon de Bach. La rigueur y ouvre en grand les portes de la poésie et du rêve. Isabelle Faust, Julia Maria Kretz, Béatrice Muthelet, Jens Peter Maintz en offrent une approche tout à la fois équilibrée et fantasque. Merveille que ce Scherzo nerveux et impalpable contrastant avec un trio par instants pris de vertige. Et après la merveilleuse offrande lyrique de l’Adagio, le Presto, lumineux, traduit toute la joie qu’éprouvent les quatre archets à partager la musique de Schumann. Splendide !
 
Après la pause, Isabelle Faust s’attaque au fameux Opus 64 de Mendelssohn. On quitte la musique de chambre pour le concerto certes, mais l’esprit chambriste demeure dans une conception radieuse, portée par un orchestre aux pieds légers, où la finesse des couleurs de la violoniste, la pureté de son intonation, l’absence de tout effet parviennent à une forme d’idéal.
Le public ne s’y trompe pas et réserve un triomphe à la soliste et au MCO. La soliste ? Une fabuleuse musicienne d’abord. D’autres auraient joué un Bach ou une autre pièce pour violon seul en bis. Isabelle Faust redevient konzertmeister du MCO pour offrir avec ses amis musiciens, l’Allegretto un poco agitato de la 2ème Symphonie « Lobgesang » de Mendelssohn. Un moment de grâce... et un parfait résumé de l’esprit d’une soirée qui restera dans les annales du Festival de Pâques d’Aix.
 
Alain Cochard
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Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 30 mars 2016

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