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Raphaël Pichon dirige Hippolyte et Aricie à Beaune - Grandeur sacrée - Compte-rendu

Après Dardanus, et avant Castor et Pollux l'an prochain, Raphaël Pichon(photo) et son Ensemble Pygmalion poursuivent, avec le premier opéra de Rameau, leur exploration des versions remaniées par le compositeur, recrées pour le Festival de Beaune, avant de partir en tournée. Contrairement à Dardanus où les trois derniers actes de la mouture de 1744 étaient absolument nouveaux, frustrant parfois l'auditeur de scènes pittoresques, la réécriture de 1757 d'Hippolyte et Aricie consiste surtout en un approfondissement du raffinement orchestral. Des réaménagements dramatiques, si naturels qu'ils se feraient oublier, le plus notable est la suppression du prologue, pratique devenue désuète au milieu du dix-huitième siècle que l'auditeur d'aujourd'hui ne regrette guère.

Avec un sens des couleurs et des textures qu'il convient de saluer, les Pygmalion font ressortir la subtilité de l'écriture de Rameau – le frémissement du premier dessus de violon (Sophie Gent) révèle délicieusement les fragrances pastorales aux deux derniers actes. La battue dynamique de Raphaël Pichon met en valeur l'inventivité harmonique et rythmique de la partition, avec un résultat d'une belle et constante consistance. Si d'aucuns signaleraient la frontalité presque raide des choeurs, nous préférons souligner avec quelle pertinence ils s'insèrent dans l'acoustique réverbérée de la Basilique Notre-Dame – où les circonstances météorologiques ont contraint de faire retraite. L'ampleur sonore prend alors une grandeur que l'on ose qualifier de sacrée, en particulier dans la mort d'Hippolyte, véritable oraison funèbre.

Fidèle au projet initié par Raphaël Pichon, Gaëlle Arquez trouve dès son air d'entrée l'intonation juste pour une Aricie qui ne pâlit nullement à côté de la Phèdre tourmentée de Clémentine Margaine, au timbre charnu et fruité, balancée entre la vindicte amoureuse et l'orgueil de la souveraine. Objet de convoitise, Thésée est incarné de manière très prometteuse par Edwin Crossley Mercer : diction impeccable et émission focalisée – tout juste un peu tendue par moments. Sans nul doute un interprète incontournable du rôle dans les prochaines années. Juvénile, l'Hippolyte d'Anders Dahlin l'est assurément, bien qu'un peu compacté nasalement.

Pluton et Troisième Parque à Garnier, Jérôme Varnier ajoute Neptune à son arc vocal d'un style toujours aussi juste comme peut l'être celui Thomas Dolié, Tisiphone et Seconde Parque applaudi dans Les Indes Galantes toulousaines en mai dernier. Avec la clarté requise pour Mercure et la Première Parque, Francisco Fernandez Rueda complète le trio infernal. Anna Reinhold réserve à Diane un medium convenablement paré. Quant à Eugénie Warnier, invitée régulière à Beaune, elle se montre aussi séduisante en Grande Prêtresse, que Chasseresse, Matelote ou Bergère, dans des numéros de caractère accomplis.
Comme pour Dardanus, la production portera la bonne nouvelle ramiste à Bordeaux puis Versailles, les 11 et 13 février prochains.

Gilles Charlassier

Rameau : Hippolyte et Aricie – Basilique Notre-Dame, Beaune, 13 juillet 2012

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Photo : Gilles Brébant
 

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