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Lyon - Compte-rendu : Le Songe d’une nuit d’été - Pour un enfant


Une réserve, pour commencer, mais de taille. Robert Carsen produit une erreur de lecture, du livret de Britten comme du texte de Shakespeare, tout à fait déconcertante. L’enfant qu’Oberon veut ravir à Titania n’est pas un nourrisson et encore moins le prétexte que le metteur en scène canadien veut nous faire croire qu’il est lorsque Puck le sort de scène en le suspendant par ses langes comme un vulgaire paquet. Shakespeare, et Britten en cela se conformant à sa source, parlent d’un petit enfant volé (little changeling boy) dont Oberon veut faire son page. Titania le lui refuse au prétexte que sa mère, une adoratrice de son ordre, est morte en couche. Cette indication ne suffit pas à autoriser Carsen à en faire un nourrisson, car Oberon ne saurait alors en faire son page. De plus le roi des elfes est obsédé par sa volonté de posséder cet enfant, c’est la seule cause de son désaccord avec Titania et de toute la fantaisie qui va suivre.

Dans son spectacle anthologique de la Monnaie (2004), David McVicar allait assez loin dans l’autre sens, présentant un splendide préadolescent tout à fait capable d’attiser la convoitise sexuelle du roi des elfes. L’ambiguïté entretenue par Shakespeare sur l’objet de ce conflit mérite en tous cas que l’on ne le réduise pas à une pure utilité. Ceci dit, retrouver le spectacle d’Aix, que Lyon accueillit déjà par trois fois, reste un plaisir. Cette jolie proposition toute en literie fit la fortune de Carsen, et le projeta d’un coup sur le devant de la scène. La direction d’acteur en est si simple que tout un chacun peut s’y glisser et que le spectacle vit en fait de lui-même, sans que le metteur en scène ait à le retoucher.

L’un des écueils du Songe reste son disparate, qui transparaît dès que la battue du chef se relâche. Rien de tel avec la baguette alerte de Constantinos Carydis, un modèle d’élégance qui avive la poétique allusive d’un orchestre magique. Lawrence Zazzo s’est fait la tête d’Alfred Deller, le créateur d’un rôle vite repris par Russel Oberlin. Comme Deller, il peine à projeter son instrument lyrique par-delà les alchimies de la fosse, mais sa composition subtile séduit immanquablement. Sandrine Piau chante sa Titania comme du Mozart (et c’est comme cela qu’il faut faire), les amants sont assez irrésistibles (avec une mention particulière pour le splendide Demetrius d’Ivan Ludlow), et les artisans, emmenés par le Bottom de Matthew Rose qui ne le cède en rien à celui si brillant de Laurent Naouri, font au III leur théâtre très désopilant. Si l’on se souvient que Lyon vit voici dix ans, outre le Bottom de Naouri, l’Oberon de Gérard Lesne, le Thésée de Jérôme Varnier ou la Titania de Natalie Dessay, on doit avouer que la nouvelle distribution égale l’ancienne, et que la Maîtrise de Lyon fait tout un peuple d’elfes plus inspiré aujourd’hui qu’alors.

A Lyon, la fête s’achève le 13 avril, mais l’hexagone n’en a pas fini avec Le Songe : Nice verra la mise en scène de Paul-Emile Fourny les 25, 27 et 29 courant, puis les frères Porras, maîtres ès fééries, proposeront leur spectacle au public de l’Opéra de Nancy du 20 au 29 juin.

Jean-Charles Hoffelé

Benjamin Britten, Le Songe d’une nuit d’été, Opéra de Lyon, le 7 avril. Prochaines représentations les 9, 11 et 13 avril 2008

Réservations à l’Opéra de Lyon

Photo : DR

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