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Toulouse - Compte-rendu : Rigoletto, toiles peintes et ténor de demain

Un spectacle permet parfois de découvrir un chanteur : pour l’heure Sebastien Guèze. Nicolas Joël qui a toujours l’ouie aux aguets – il a révélé Roberto Alagna parmi les chanteurs de la génération précédente – confia cette fois pour la reprise de son Rigoletto les quelques phrases de Matteo Borsa à ce jeune ténor français, Nimois, révélation « Artiste lyrique 2006 » de l’ADAMI (tout comme Alagna en son temps, justement). Quelques phrases suffisent en effet pour juger de la portée de la voix, de son élégance et de son panache, de sa virilité conquérante que devra ganser un souci musical plus soutenu, mais devant laquelle on rend déjà les armes.

Cette parenthèse refermée, qu’il en a fait des saisons ce Rigoletto sans façons, avec ses toiles peintes et ses décors réalistes, son action d’une lisibilité parfaite qui n’élude rien des facilités du livret et joue a fond la carte de l’opéra, haut lieux des invraisemblances et des imbroglios. Aussi le troisième acte prend-t-il du coup une puissance singulière puisque rien n’y est interprété et que par voie de conséquence tout y est montré sans ambiguïté, magnifiant ainsi le sacrifice de Gilda. Distribution sans failles, dominée d’une bonne tête par le Duc de Stefano Secco, élégant, séducteur et carnassier à l’image de sa cour où l’on trousse d’abondance. Agache est le plus naturel des Rigoletto, même si un refroidissement encombrait son larynx, l’épuisant à lutter pour conserver sa justesse.

Une fois chauffée, Aleksandra Kurzak démontre qu’elle peut incarner toutes les facettes de Gilda, du chant orné au chant dramatique, avec une couleur à la fois corsée et pure spécifique aux sopranos élevées polonaises, un type de voix qui se tourne le plus souvent vers le répertoire contemporain alors qu’autant de moyens sont naturellement apparié au bel canto tardif. Sparafucille de luxe : Balint Szabo ! Décidément on sait distribuer à Toulouse et on n’économise pas sur les seconds rôles. En fosse Roberto Rizzi Brignoli dirige avec une hargne assez vertigineuse, qui ne laisse pas l’action retomber et conduit l’orchestre plus d’une fois à flirter avec le danger. La sensation d’enivrement n’en est que plus forte.

Production idéalement accessible, qui ne s’encombre pas d’analyse, et que Patrick Lasalle a sereinement revisitée : Nicolas Joël était appelé à Madrid pour mettre en scène « ses » Contes d’Hoffmann au Teatro Real. Le dimanche qui suivait cette représentation, c’était Renaud Donnedieu de Vabre qui l’appelait à prendre la succession de Gérard Mortier à la tête de la Grande Maison. Puisse-t-il, d’ici la passation effective du sceptre, ne pas délaisser son cher Capitole où il aura officié quinze années durant et qui se demande déjà avec anxiété qui pourrait lui garantir un second âge d’or.

Jean-Charles Hoffelé

Théâtre du Capitole de Toulouse, le 1er décembre 2006.

Les dvd de Rigoletto

Photo : DR
 

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