Sans être un titre central du répertoire, l’adaptation lyrique d’Un chapeau de paille d’Italie (1) connaît un certain succès dans son pays natal, et même de notre côté de la frontière, son inspiration française permettant de mieux attirer le public. Et le nom de Nino Rota (1911-1979) restant familier des cinéphiles, son opéra d’après Labiche introduit dans la programmation liégeoise un goût de fête avant les fêtes, le public wallon étant déjà gâté avant une Chauve-Souris prévue pour la toute fin d’année dans une production signée Olivier Lepelletier-Leeds (2)

Un Michieletto de jeunesse

Stefano Pace a déclaré avoir longtemps attendu l’occasion de monter la production imaginée par Damiano Michieletto en novembre 2007 à Gênes, c’est-à-dire à l’aube de la carrière du metteur en scène italien, qui avait fait ses premiers pas en 2003, et qui venait de se faire remarquer, en cette même année 2007, avec sa fameuse Gazza ladra « aux tuyaux » à Pesaro. Pour être du Michieletto de jeunesse, ce Cappello di paglia n’en possède pas moins déjà la plupart des caractéristiques de la maturité.

© ORW-Liège/J.Berger

 
L’intelligent décor de Paolo Fantin
 
La transposition vers la deuxième moitié du XX^e siècle est chose si courante que le contraire étonnerait désormais. La conception du décor de Paolo Fantin mérite en revanche d’être signalée, puisque son mélange de simplicité apparente et de complexité réelle permet, sur un unique plateau tournant, d’enchaîner tous les lieux prévus par le livret, et même de les démultiplier, puisque des techniciens viennent régulièrement déplacer les parois : ces murs blancs percés de portes identiques subdivisent l’espace en autant de pièces plus petites que traversent les personnages.

© ORW-Liège/J.Berger

 
Mise en route un peu lente
 
Pour autant, la sensation de course folle prend un certain temps à se mettre en place. L’ouverture, jouée à rideau fermé, installe le climat musical à base de parodies et de citations voulu par Rota, mais la direction de Leonardo Sini, à la tête de l’orchestre de l’ORW, paraît d’abord bien sage – on est ici très loin de la frénésie du Candide de Leonard Bernstein, composé à la même époque, et dont la partition repose sur le même principe du pastiche. Il faudra attendre le deuxième acte pour que la mayonnaise prenne vraiment, le rythme étant pleinement acquis au troisième, avec son brillant finale « Io casco dalle nuvole ». Le chœur de l’ORW alterne avec aisance entre ses différents emplois, noce provinciale, invités mondains de la baronne de Champigny, et police parisienne.

© ORW-Liège/J.Berger

 
Une distribution largement italianophone
 
Assez logiquement pour un opéra où le récitatif joue un rôle aussi important, la distribution se compose en grande partie d’italianophones, mais pas seulement. Parmi les nombreux personnages, certaines silhouettes s’imposent davantage, au premier rang desquelles le Beaupertuis de Marcello Rosiello, qui traduit admirablement la façon dont le soupçon naît tardivement dans la cervelle du cocu, le décor blanc étant, pour cet acte, éclairé du vert de la jalousie. Le vétéran Pietro Spagnoli peut lui aussi mettre sa faconde au service du grincheux beau-père, et le ténor Ruzil Gatin prête à un héros qui passe de la candeur à la rouerie les couleurs variées qui conviennent à ses différents visages, amoureux mi-bellinien mi-puccinien dans son duo avec sa future, plus emporté par la suite dans ses confrontations successives. Du côté des dames, Josy Santos ne passe pas inaperçue en baronne, Elena Galitskaya est une coquette Anaide, et Maria Grazia Schiavo a conservé la virtuosité et les aigus d’Elena, la promise de Fadinard.
 
Laurent Bury
 

 
(1) Composée en 1945, la farsa musicale de Nino Rota attendit le 21 avril 1955 pour être créée au Teatro Massimo de Palerme.
 
(2) www.operaliege.be/en/events/opera-die-fledermaus-2025/
 
Nino Rota, Il cappello di paglia di Firenze – Liège, Opéra Royal de Wallonie, 21 novembre (3^e rep.) ; dernières représentations les 23 & 25 novembre 2025  // www.operaliege.be/en/events/opera-il-cappello-di-paglia-di-firenze-2025/
 
Photo © ORW-Liège/J.Berger.