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Zémire et Azor à l’Opéra-Comique – Le conte est bon – Compte-rendu

 
Il y a du Grétry dans l’air ! Peu après La Caravane du Caire à l’Opéra Royal de Versailles, c’est au tour de Favart de mettre à l’affiche le compositeur d’origine belge (1741-1813) avec Zémire et Azor, un opéra-comique – opéra-ballet pour reprendre l’intitulé exact –  en quatre actes de 1771, sur un livret de Marmontel, dont le Comique a confié la mise en scène à Michel Fau (celui-ci tient en outre le rôle de la Fée). Le conte La Belle et la Bête d’une certaine Mme de V***, repris et popularisé par Mme Leprince de Beaumont, a inspiré le librettiste de Grétry, qui l’a transposé dans l'univers oriental, du côté du détroit d’Ormuz.
 

Sahy Ratia (Ali) & Marc Mauillon (Sander) © Stefan Brion

Un univers mêlant gravité et drôlerie que le metteur en scène a pris le parti d’aborder d’une manière simple et naïve, raffinée et délicate aussi, dans une scénographie épurée d’Hubert Barrère, où les lumières (les ombres surtout) de Joël Fabing et les costumes très réussis (d'H. Barrère aussi) tiennent une place essentielle – avec mention spéciale pour la robe de Zémire qui illustre tout particulièrement le talent du directeur artistique de la maison Lesage dont c'est la première incursion dans le domaine lyrique. Le résultat procure le sentiment de tourner les pages d’un livre de contes illustré. Et si l’on peut reprocher un peu de statisme parfois, la vie, la fluidité et le naturel dans l’alternance du chanté et du parlé que les interprètes apportent à la partition le compensent amplement.
Dès l’ouverture, l’implication, l’esprit – d’un piquant très XVIIIe – et le bonheur palpable que Louis Langrée manifeste (à la tête des Ambassadeurs – La Grande Ecurie) au contact d’une musique qui n’est pas celle à laquelle on l’associe le plus immédiatement, forcent l’adhésion et embarquent le spectateur.
 

Julie Roset (Zémire), Philippe Talbot (Azor) & les deux Génies (Alexandre Lacoste et Antoine Lafon) © Stefan Brion

Côté vocal, c’est un vrai sans faute : le Sander de Marc Mauillon traduit avec toute l’autorité vocale requise le tempérament d’un père sachant quand il le faut s’attendrir. Sahy Ratia ne convainc pas moins : voix lumineuse, jeu bondissant, il campe le plus attachant des Ali. Le chant et la diction s’avèrent admirables, là comme chez les deux rôles-titres : Philippe Talbot incarne un Azor plein d'une sensibilité contrainte par la laideur dont le sort lancé par la Fée l’afflige, tandis que Julie Roset offre une Zémire simplement idéale, physique et voix. La jeune soprano, que l’on a applaudie récemment à Saint-Denis dans la version française de La Création de Haydn sous la direction de Julien Chauvin (1), émerveille à nouveau de son instrument lumineux et sa profonde musicalité.
Margot Genet (Lisbé) et Séraphine Cotrez (Fatmé) sont les deux sœurs – pestes comme il le faut  – de la tendre héroïne. Les danseurs Alexandre Lacoste et Antoine Lafon incarnent les Génies, aux allures d’étranges canidés entourant la Fée de Michel Fau ... Fauesque en diable !
Le spectacle tient l’affiche jusqu’au 1er juillet. Notez que, pour la dernière représentation, Louis Langrée cédera la place à son assistant sur cette production : Théotime Langlois de Swarte.(2) Un chef à suivre, comme l'a montré le Bourgeois gentilhomme en mars dernier au Comique.
 

Alain Cochard
 

(1) www.concertclassic.com/article/la-creation-de-haydn-en-version-francaise-sous-la-direction-de-julien-chauvin-au-festival-de
(2) Retrouvez l’interview de Théotime Langlois de Swarte à propos de ses débuts de chef : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-theotime-langlois-de-swarte-je-me-revendique-totalement-en-droite-ligne-de
 
Grétry : Zémire et Azor – Paris, Opéra-Comique,  25 juin (2ème représentation) ; prochaines représentations loes 26, 28, 29 juin et 1er juillet 2023 // www.opera-comique.com/fr/spectacles/zemire-et-azor
 

Photo © Stefan Brion
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