Journal

Yes ! de Maurice Yvain par Les Brigands à l’Athénée – Mariage pour rire

La Compagnie Les Brigands est née avec le siècle ; depuis presque deux décennies elle oscille entre des partitions du temps d’Offenbach et Hervé et d’autres de la Belle époque ou des Années folles. De celles-ci, Maurice Yvain constitue l’une des figures les plus emblématiques. Vieille connaissance que cet auteur pour nos Brigands : dès la saison 2004-2005 ils proposèrent Ta bouche, l’ouvrage qui, en 1922, lança véritablement la carrière de compositeur d’opérette de l’ancien élève de Diémer et Leroux au Conservatoire de Paris. Musique de Maurice Yvain/Lyrics d’Albert Willemetz : ce premier succès (1207 représentations entre 1922 et 1944, tout de même ...) marquait aussi la naissance d’un tandem appelé à plusieurs fois se reconstituer, pour le plus grand bonheur du public – et de l’histoire de l’opérette !  
 

Albert Willemetz et Maurice Yvain (à dr.) © Collection Jacques Gana

Après Là-haut (1923) et La Dame en décolleté (1924), la collaboration des deux artistes marqua très provisoirement le pas, pour repartir de plus belle en novembre 1927 avec Yes !, nouvelle partition inspirée de Totte et sa chance de Pierre Soulaine, roman très populaire alors : l’histoire d’un mariage « pour rire » qui se transforme en un mariage « pour de bon », pour reprendre les mots d’Emile Vuillermoz dans sa critique de Yes ! (Candide, 2 février 1928). A partir du livret concocté par Soulaine et Pierre Pujol, Yvain et Willemetz travaillèrent d’arrache-pied : il leur fallait répondre aux exigences du directeur du théâtre des Capucines et ... être prêts avant la fin du mois de janvier ! Le pari fut tenu et le succès au rendez-vous pour un ouvrage que le public découvrit le 26 janvier 1928 dans une version qui présentait la particularité d’être accompagnée par deux pianos seulement – idée soufflée à Yvain par Wiéner et Doucet – ; une mouture avec orchestre devait rapidement suivre.
 

Célian d'Auvigny (Maxime) et Clarisse Dalles (Totte) © Michel Slomka

Ressuscitée sur la scène de l’Opéra de Tours en 2002, l’œuvre a fait l’objet il y a trois ans d’une réalisation remarquée des Frivolités Parisiennes (m.e.s Christophe Mirambeau). Au tour des Brigands de s’en emparer pour une nouvelle production (montée avec le Palazzetto Bru Zane) avec laquelle les habitués de la compagnie retrouveront l’esprit, la bonne humeur et l’engagement collectif qui ont fait sa réputation.

Deux pianos ? Ils ont bien là, mais il ne s’agit aucunement de la version originale de l’ouvrage. A la direction musicale de l’entreprise, Paul-Marie Barbier s’est très librement emparé d’une partition qu’il a adaptée pour divers instruments (deux pianos droits, mais aussi percussions, contrebasse, deux guitares, vibraphone, flûte traversière, etc.) ; Matthieu Bloch est à la contrebasse, P.-M. Barbier et Thibaud Perriard alternent entre les autres avec beaucoup d’aisance – à l’exception de la flûte dont se charge Anne-Emmanuelle Davy quand le rôle de Madame de Saint-Aiglefin lui en laisse le loisir. Autant dire que les musiciens, présents sur scène, jouent un rôle clef et participent au mouvement d’ensemble d'un spectacle mis en scène par Vladislav Galard et Bogdan Hatisi dans un astucieux décor, modulable à vue, signé François Gauthier-Lafaye, les costumes, réussis, revenant à Benjamin Moreau.
 

© Michel Slomka

Yes ! confie le rôle de Maxime, fils du richissime René Garard, roi du vermicelle, à Célian d’Auvigny, qui assume le côté « gosse de riche » (1) noceur de son personnage, et le dépasse dans une très attachante incarnation. Totte, la manucure choisie pour le mariage blanc, revient à Clarisse Dalles, d’une sensibilité et d’un charme parfaits. Son ancien fiancé, Roger, trouve quant à lui en Flanan Obé un interprète capable de saisir toute la variété du rôle (de Roger à Regor, chanteur à succès) avec l’abattage et la vis comica qu’on lui sait. Autre habitué de la troupe des Brigands, Gilles Bugeaud apporte drôlerie et pittoresque à un Monsieur de Saint-Aiglefin à la mise très british, avec à ses côtés une épouse pleine de distinction tenue par Anne-Emmanuelle Davy. Personnage haut en couleur, César, le majordome communiste, revient à Mathieu Dubroca : l’incarnation mérite le détour, tout comme celle d’Emmanuelle Goizé, exotique et croustillante Marquita Negri. Eric Boucher endosse le rôle Gavard père et en accentue le caractère entier, tandis que Caroline Binder offre une Clémentine pleine de gouaille.

Le spectacle (d’une durée d’une heure cinquante sans entracte, et avec pas mal de coupures donc...) faisait halte il y a peu à l’Auditorium du Conservatoire de Puteaux (2), belle salle moderne, mais à l’ouverture de scène un peu trop importante. Nul doute que la nouvelle production des Brigands profitera de l’installation dans l’espace plus resserré de l’Athénée. Un lieu symbolique s’il en est pour la compagnie : Yes ! y tient l’affiche pour vingt dates du 19 décembre au 14 janvier.  
Notez que la tournée se poursuivra à Vichy (19/01), Charleroi (26/01), Niort (26/03) et Haguenau (31/03).

Alain Cochard

(1)    Titre d’une opérette de Maurice Yvain créée en 1924
(2)    Le 29 novembre 2019

Yvain : Yes !
Du 19 décembre 2019 au 14 janvier 2020
Paris – Athénée Théâtre Louis-Jouvet
www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/yes.htm

Photo © Michel Slomka

Partager par emailImprimer

Derniers articles