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Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de Rotterdam au TCE - Festival Ravel - Compte-rendu

Ravel l’horloger suisse, Ravel le classique… Autant de vieilles lunes qui tombent comme des fruits blets lorsqu’un jeune sorcier vient faire fondre de plaisir un public qui en redemande. C’est ce qui s’est passé lors du dernier concert de l’Orchestre de Rotterdam, sous la baguette du jeune surdoué canadien Yannick Nézet-Séguin. Le voir diriger constitue un plaisir rare tant la précision du geste n’a d’égale que la fougue qui la porte.

Tout avait commencé dans la poésie orientaliste de Shéhérazade. Début un peu hésitant, le chef ayant éteint à l’excès son orchestre qui n’arrivait pas à émerger du silence… Le même accident acoustique se reproduira d’ailleurs dans Daphnis et Chloé en seconde partie de soirée. C’était compter sans l’immense musicienne qu’est Anna Caterina Antonacci qui ne nous laissa perdre aucun mot des poèmes de Tristan Klingsor : on retrouva comme en miniature la grande Didon des inoubliables Troyens de Berlioz au Châtelet. C’est un vrai bonheur d’entendre la musique naître ainsi des syllabes. On aurait tant aimé en bis l’une des Nuits d’été de ce cher Hector, mais le public ne le réclama pas !

Comportement étrange si l’on songe qu’il en attendit un après les trois quarts d’heure que dure tout de même l’intégrale de Daphnis et Chloé… C’est qu’il y a de l’effet dans ces pages données le plus souvent en extraits à travers l’une des deux Suites qu’en a tirées le compositeur. Mais sans le spectacle du ballet, entre les fusées éjaculatoires qui ont échappé à la plume du prude Ravel, il y a des méplats dont la monotonie fait retomber l’intérêt. C’est là où l’imagination du chef doit intervenir. Notre Québécois n’a plus rien à apprendre dans le domaine de la gestique, mais il doit encore découvrir ces petites tricheries salvatrices qui font la beauté du métier.

Qu’importe, le résultat a plu à la salle. Il faut dire qu’on a fait dans le luxe pour le chœur en invitant la Singakademie de Vienne qui n’avait heureusement pas ici à redouter la prosodie française ses interventions ne reposant sur aucun texte. Sa présence fit ressortir par contraste les faiblesses de certains membres de l’Orchestre de Rotterdam qui n’est certes pas le meilleur des Pays-Bas, mais témoigne d’une grande cohésion et d’une belle réactivité.

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 22 janvier.
Concert retransmis par France Musique le 21 février, à 20h.

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Photo : DR
 

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