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Xavier Philips – un talent bien occupé


Riche actualité pour Xavier Phillips en cette fin d’année ! Né en 1971, il compte parmi les plus talentueux représentants de la jeune génération du violoncelle français. Début novembre, la Cello Society of London l’a d’ailleurs convié au Whigmore Hall pour un hommage à l’école française de violoncelle, en compagnie d’autres collègues. « Ecole française » ? Xavier Phillips demeure méfiant envers cette formule car s’il admet sans difficulté que les violoncellistes français sont nombreux à faire de belles carrières aujourd’hui, cet instrumentiste attaché à l’universalité de son art reste très réservé sur l’idée d’un « son français » et préfère insister sur l’extrême diversité de nos violoncellistes.

« Parfois des gens qui ne me connaissent pas viennent me voir après les concerts et me demandent si je suis Français au motif que je n’ai pas selon eux un son français, confie Xavier Phillips. Et pourtant j’ai été l’élève Jacqueline Euclin, qui avait été assistante de Maurice Gendron, puis de Philippe Muller au Conservatoire de Paris. La pédagogie française, avec des professeurs aussi brillants que Philippe Muller ou Roland Pidoux pour ne citer qu’eux, a formé beaucoup de jeunes violoncellistes très bons et très différents. » S’agissant de son cas personnel, Xavier Phillips ne peut évidemment omettre de citer par ailleurs Mstislav Rostropovitch qui a tant compté dans son développement. « Ce son m’a transporté et totalement changé », reconnaît celui qui croit plus en une « école du son » qu’aux écoles nationales.

Les 24 et 25 novembre, à Tours, le violoncelliste retrouvera Jean-Yves Ossonce dans le Concerto de Robert Schumann. Un monument bien isolé avec le Concerto de Dvorak dans un XIXe siècle qui n’a guère gâté le violoncelle – le XXe s’est bien rattrapé, en grande partie grâce à l’impulsion décisive donnée par Rostropovitch ! Un monument qui intimide… « Je me souviens quand j’étais élève au Conservatoire, l’œuvre me faisait peur, avoue X. Phillips. Je n’avais pas la maturité pour la jouer. Maintenant que je suis assistant de Roland Pidoux au Conservatoire, les difficultés qu’éprouvent les étudiants face à cette partition me rappellent la sensation que j’éprouvais autrefois. Celle de se trouver face à un abîme, comme c’est également le cas avec les Suites de Bach lorsque l’on ne possède pas encore cette expérience qui ne s’acquiert qu’avec le temps, la vie, les soucis. J’aime passionnément le Concerto de Schumann aujourd’hui, poursuit-il. Les grandes œuvres de ce genre – cela vaut aussi pour Tout un monde lointain de Dutilleux – quand on les laisse, elles continuent de progresser, d’évoluer en vous. C’est un processus vital, comparable à une plante que ses racines nourrissent et qui continue de croître. Consciemment on a l’impression que rien ne passe, mais inconsciemment le travail sur l’œuvre se poursuit et l’on y revient avec un immense plaisir ».

La joie de retrouver le Concerto de Schumann lors de deux soirées à Tours ira de pair avec celle de collaborer à nouveau avec Jean-Yves Ossonce, sous la direction duquel Xavier Philips a déjà joué en octobre 2005 le Double Concerto pour violon et violoncelle de Brahms aux côtés d’un partenaire qui lui est cher : son frère Jean-Marc. « C’est toujours un grand bonheur – trop rare – que de jouer avec lui. Nous avons vraie entente ; il y a quelque chose de très instinctif, très immédiat qui se met en place tout naturellement entre nous. En tant que frère aîné il a eu une part active dans mon apprentissage ; il a toujours été au-dessus de mon épaule et m’a transmis beaucoup de choses de sa culture violonistique – des éléments techniques très naturels au violon et qui donnent l’impression d’être bien plus difficiles au violoncelle ».

La collaboration entre Jean-Marc et Xavier Phillips s’exprime aussi au disque (à paraître chez Warner) en décembre. Avec la complicité du pianiste Emmanuel Strosser, les deux frères ont en effet enregistré un programme Ravel (Trio, Sonate pour violon et violoncelle, Sonate violon et piano, Tzigane) auquel Xavier Phillips a tenu à ajouter la Pièce en forme de habanera et le Kaddish – « une page magnifique, sublimement harmonisée par Ravel, qui sonne très bien au violoncelle. »
Un compositeur très enregistré sans doute, mais c’est la passion pour la musique de Ravel qui a d’abord motivé Xavier Phillips. « Il s’agit d’une musique douloureuse, qui me trouble et me transporte et dont j’apprécie le côté noir, que l’on ne souligne en général pas assez ».

Belle preuve de la réputation internationale dont il jouit désormais, Xavier Phillips est l’invité de l’Orchestre de la Suisse Romande, le 14 décembre prochain, pour le premier des trois concerts du « Festival Hindemith » de la formation helvétique. Les solistes français y sont d’ailleurs à l’honneur puisque l’altiste Antoine Tamestit figure lui aussi à l’affiche. Dirigé par Marek Janowski, le programme donnera à Xavier Phillips l’occasion d’interpréter la Kammermusik n°3 de Paul Hindemith pour la première fois. « Une musique austère, reconnaît-il, mais extrêmement intéressante, où l’on trouve à la fois le côté déstructuré du Schönberg de La Nuit Transfigurée, du rigorisme allemand, de la fantaisie par moments aussi. Elle réclame une énorme concentration ». Xavier Phillips s’engage d’autant plus volontiers dans l’aventure qu’elle lui donne l’occasion de retrouver Marek Janowski, chef dont il salue « l’engagement dans la musique ». « Je vais apprendre beaucoup à son contact dans cette musique », conclue-t-il, avec un enthousiasme impatient.

Le goût de Janowski pour le jeu du soliste ne fait pas de doute non plus. Xavier Phillips se produira à nouveau avec le maestro allemand et l’OSR le 12 avril dans Tout un monde lointain, puis le 23 mai dans le Concerto n°1 de Saint-Saëns.

Alain Cochard

Orchestre Région Centre-Tours, dir. Jean-Yves Ossonce

Xavier Phillips, violoncelle

Weber : Invitation à la Valse / Schumann : Concerto pour violoncelle / Berlioz : Roméo et Juliette (extraits)

Grant-Théâtre de Tours, les 24 et 25 novembre

Programme détaillé de l’Opéra de Tours

Orchestre de la Suisse Romande. www.osr.ch



Photo : DR

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