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Wozzeck à l’Opéra de Dijon - Une grande humanité – Compte-rendu

Un Wozzeck à l’Opéra de Dijon qui ne ressemble à aucun autre bien qu’il mette en avant les conflits sociaux, la lutte des classes, le drame des pauvres gens pris dans un étau inexorable. Sandrine Anglade a délibérément choisi l’austérité d’un immense plateau nu couvert de détritus de plastique noir avec de grandes colonnes translucides déplacées au fil de l’action pour séparer le monde vécu du monde imaginé.
Place à la musique qui commande tout avec une direction d’acteur au cordeau, un peu statique toutefois, et des moments envoûtants comme la scène finale où l’enfant se retrouve seul, perdu dans un univers de désolation. Prise de rôle pour la plupart des chanteurs, tous plus excellents les uns que les autres. Boris Grappe, voix bien placée, campe un Wozzeck humain plus aliéné social que schizophrène. Marie bénéficie de la prestation impressionnante d’Allison Oakes, sensibilité à fleur de peau et intonation wagnérienne. A la prestance brute du Tambour major d’Albert Bonnema correspond l’empathie de l’Andres de Gijs Van der Linden ou encore le caractère caricatural proche de la commedia dell’arte du Capitaine Michael Gniffke ou du Docteur de Damien Pass.
 
En sursis puisqu’il doit bientôt être intégré dans une phalange commune avec l’Orchestre de la Radio de Stuttgart, l’historique SWR Sinfonieorchester Baden Baden und Freiburg prouve, par la qualité de ses pupitres et son aptitude à dominer la musique de Berg, qu’il a peu de concurrents en la matière. Le chef argentin Emilio Pomarico, rompu à l’interprétation du répertoire contemporain, ne se contente pas de passer la partition au scanner, mais sait en dégager toute la substance entre expressionnisme et modernité tout en maintenant constamment la tension. Le Chœur et la Maîtrise de l’Opéra de Dijon, par leur cohésion, contribuent également à la réussite d’ensemble. Du travail d’orfèvre apprécié par un public participant à la journée « Tous à l’Opéra ». A en juger par sa réaction au moment des échanges avec le metteur en scène et les chanteurs à l’issue du spectacle, ce Wozzeck a fait l’unanimité.
 
Michel Le Naour
 
Berg : Wozzeck - Dijon, Auditorium, 10 mai 2015

Photo © Gilles Abegg

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