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Wilhem Latchoumia et Youngseob Jeon aux Semaines Musicales de Quimper – Un virtuose flamboyant et un talent à suivre – Compte-rendu

Lieu historique construit dans les premières années du XXe siècle, le Théâtre Max Jacob fleure bon la nostalgie ; c’est dans cet écrin que Wilhem Latchoumia (photo) offrait un récital très original entre Romantisme et musique d’aujourd’hui lors de la 37e édition des Semaines Musicales de Quimper.
 
Pour débuter, la Fantaisie sur des thèmes de Rienzi de Wagner/Liszt prend une dimension orchestrale sous les doigts puissants, agiles et souples du soliste. La Transcription sur Tristan et Isolde d’Alfred Jaëll possède une intensité d’expression qui se retrouve dans une Mort d’Isolde de Wagner/Liszt à la progression savamment conduite.
La Fantaisie en fa dièse mineur, œuvre de jeunesse (1831) du Maître de Bayreuth, malgré les qualités d’une exécution très fouillée sur le plan polyphonique et riche de détails, ne se situe pas sur le même plan, hésitant entre les influences de Mozart, de Hummel ou de Weber.
En revanche, Erotique Rotative de Régis Campo procure un véritable plaisir tant sonore que visuel : l’œuvre décrit de manière ludique les aventures d’un pianiste au retour d’une soirée bien arrosée qui se prend d’amour pour son instrument, multiplie les glissandi à l’aide de deux brosses à ongles, profère des onomatopées à la manière de Kagel, siffle et finit par enlacer le clavier.
Tout aussi captivant, Tumbao de Christian Lauba (en création mondiale) sur des rythmes cubains, foisonne de couleurs, tourbillonne dans un tempo infernal servi par une lecture énergique et brillante à couper le souffle. En conclusion, la Paraphrase sur la Walkyrie due à Hugo Wolf fait feu de toutes notes, flamboie et témoigne de l’endurance et de la précision diabolique de l’interprète. Après une telle démonstration, Latchoumia répond aux ovations de la salle par l’endiablé O Polichinello de Villa-Lobos et le mélancolique Bailecito de Guastavino, des musiques qui lui sont consubstantielles.
 

Youngseob Jeon © DR
 
En fin d’après-midi se produisait également le Coréen Youngseob Jeon (né à Séoul en 1989), désormais installé à Mannheim et lauréat du XXe Concours de piano de Brest en février dernier (1). Programme impressionnant où le jeune artiste se signale d’emblée par la clarté de son jeu, une réflexion profonde sur les œuvres et une volonté de ne pas abuser de ses réels moyens techniques. Le Rondo K. 485 de Mozart comme l’Arabesque op. 18 de Schumann regorgent de sentiment poétique, tandis que le Scherzo n° 3 et la Barcarolle de Chopin révèlent un sens inné de la construction. Les Klavierstücke op. 119 de Brahms sont traités dans la demi-teinte avec une retenue qui bridera plus tard les élans fougueux de la Sonate en si mineur de Liszt trop contrastée mais jamais grandiloquente.
Bis tout aussi denses, parmi lesquels l’Etude n° 1 op. 10 de Chopin impeccable de tenue digitale, le Prélude et Fugue en fa dièse majeur de J.-S. Bach économe de pédale, le Regard de l’Esprit de joie de Messiaen, radieux et passionné.
 
Michel Le Naour

(1) Concours de Piano de Brest : concourspianobrest.com  (le Concours 2016 se déroulera du 31 janvier au 8 février ; inscriptions avant le 25 décembre 2015)
 
Quimper, Théâtre Max Jacob, 13 août 2015
 
37èmes Semaines Musicales de Quimper, jusqu’au 20 août 2015 / www.semaines-musicales.bzh

Photo Wilhem Latchoumia © DR

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